Pour en finir avec la prison

Livre – Alain Brossat, Pour en finir avec la prison, La Fabrique Paris 2002

Paolo Persichetti

Il n’est qu’un problème philosophique qui soit vraiment sérieux, écrivait Camus : «le suicide». coverhm23piccola1De janvier 2002 à juillet 2003, on a compté 83 suicides et 25 tentatives de suicides dans les prisons italiennes, 19 détenus sont morts de causes non-éclaircies et 9 d’overdoses. Total : 136 morts. Et qui ne se suicide pas s’esquinte : au 30 juin 2003 – selon une estimation avancée par le Forum national pour la tutelle de la santé des détenus et l’application de la réforme de la médecine pénitentiaire (Manifesto, 11 mars 2005) – étaient enfermés 14 507 toxicomanes, soit près d’un tiers de la population carcérale totale. Entre lesquels 1 737 en traitement méthadonique et 887 alcoolodépendants. Les affectés par le Hiv étaient 1 473 ( 2,6% du total), 5 000 les séropositifs, 9 500 ceux touchés par une hépatite chronique et 7 500 les reclus avec troubles psychiatriques.

Les établissements de peine sont désormais d’énormes lazarets, des hospices pour abandonnés, vastes décharges où sont confinés toutes sortes de douleurs et mal-être sociaux, parmi lesquels s’amassent humiliés et offensés, vies mises au rancart, malchanceux sans espoir, immigrés et neolumpen, aliénés par la même société de consommation qui leur promet le bien-être et les en exclut. Aussi vrais que vraiment séduits par les chimères d’un capitalisme qui les a relégués aux marges. Dans le système pénitentiaire, ceux qui, par euphémisme sociologique, en viennent à être définis sous le vocable “nouvelle pauvreté” atteignent désormais 80% de la population carcérale. Que les prisons aient été un révélateur purulent de l’état de la société a été écrit, dit et répété jusqu’à la nausée. Une évidence qui résonne comme une rhétorique vide de l’indignation, inaudible pour qui se voit contraint d’y traverser des périodes chaque fois plus longues de sa propre existence. La durée de la détention a augmenté de 50% au cours des quinze dernières années, le taux de récidive de 70%. La sphère pénale a explosé au cours des années 90, la population carcérale a redoublé jusqu’à dépasser les 57 miles, auxquels vont s’ajouter ceux qui “tirent usufruit” des mesures alternatives et dont la peine est de l’ordre de la dite “prison diffuse” (arrêts domiciliaires, communautés thérapeutiques, preuves d’assiduité sociale, semi-liberté, travaux d’intérêts généraux), atteignant le nombre approximatif de 100 miles personnes, dans un contexte qui connaît une moyenne annuelle de 300 000 condamnations pénales.
Une partie de la population pénale est prédestinée à frayer avec la réclusion. L’examen de son cas est toujours le même: 30% des actuels incarcérés sont étrangers, 45% proviennent de l’Italie méridionale. Le profil classique est celui du jeune dépourvu d’instruction et à propension à la toxicomanie. Qui vient du Sud, n’a pas de diplôme, appartient aux milieux sociaux les plus bas. Qui arrive de pays d’émigration voit augmenter, beaucoup plus que par le passé, la probabilité de finir en prison. La prison renvoie à un des aspects les plus crus de la discrimination de classe et le recours à la légalité est la machine idéologique qui légitime et reproduit cette domination.

Nouvelles technologies de la peine
Contrairement à telle sanction de l’art. 27 de la Constitution, la peine ne promeut aucune fonction rééducative. Jamais auspice ne s’est révélé plus ridicule. L’ambiguë et rachitique publication normative des années fébriles de la modernisation pénitentiaire de label catho-communiste, la bien-nommée loi Gozzini, est inappliquée et éludée dans les faits. Une telle réforme était viciée dès les origines par une contradiction interne irrémédiable, puisque l’ouverture aux nouvelles politiques pénitentiaires, regardant à la réinsertion partielle et à la reconstruction sociale du sanctionné, suivit en parallèle le déploiement des politiques différentielles de l’émergence, transfigurant la prison en une sorte de comédie dantesque, où l’Enfer de la différenciation et de la spécialisation s’approfondissait en cercles spectraux, en dehors desquels demeuraient limbes, les friches, les zones de détention qui présageaient un accès possible dans les établissements de purge des peines, où la punition s’allège en laissant entrevoir l’espérance de sortir un jour prochain vers le Paradis. Une escalade vers la rédemption, possible seulement après avoir fait montre d’une active coopération à la punition même, à travers un dispositif d’intériorisation de la faute qui a intégré aux traditionnelles disciplines de surveillance et de contrôle une nouvelle technologie fondée sur l’adhésion à la peine de la part du reclus.
La politique carcérale ne s’est plus contentée d’une pointilleuse prise en charge des corps ( en latin : le verbe prehendere, donne prisio au génitif, et prisum au participe passé) mais a découvert “les vertus de l’usage médiant de la parole”. Au cours de quelques rencontres le détenu est sollicité pour “faire le point” sur la situation, sur l’évolution de la perception qu’il a de ses délits et de ses crimes, sur ses projets pour l’avenir. Ce sont les reclus possédant un capital culturel plus grand, d’une plus haute perspicacité dans l’usage de la parole et une habileté stratégique plus grande qui ont profité de ces nouvelles stratégies de traitement, qui consentent à manœuvrer avec les travailleurs sociaux (éducateurs, psychologues, assistants sociaux) et le magistrat d’application des peines/de surveillance, au détriment des autres de la masse, incapables et abandonnés à eux-mêmes, doublement discriminés par ces handicaps sociaux et culturels qui ne les ont pas aidés avant l’entrée en prison en les excluant une seconde fois, après, vers la réclusion perpétuelle, par le fait de ces politiques de traitements inapplicables.
L’involution politique qui s’ensuivit telle qu’elle intervint au cours de la décennie 90 a fait un luxe superflu celle de la critique des balbutiements du réformisme carcéral. Le surpeuplement et les nouvelles politiques répressives ont décharné la loi Gozzini, en introduisant de nouvelles et toujours plus d’exceptions articulées, en multipliant les “criminels ostensifs” ( inclus dans le 4 bis) pour lesquels les mesures alternatives, outre être obsolètes, en viennent à être rendues pratiquement impossibles. Les années de l’opium judiciaire et de la boulimie pénale ont remis en lice le principe de l’incompressibilité de la peine, une rengaine qui a bercé les nouvelles générations de juges d’application des peines. C’est ainsi que la prison en est revenue à défaire, y compris dans les discours des spécialistes de la correctionnelle, cette fonction sociale crue pour laquelle elle était née.

Le “sentiment d’insécurité “
la prison ne rachète pas, la prison ne corrige pas, elle sert seulement à confiner derrière d’épaisses murailles d’enceinte, problèmes et contradictions, que l’hypocrisie collective préfère déranger. L’économie du châtiment/punition est désormais devenue une ” technique d’invisibilisation des problèmes sociaux”. Nous nous trouvons de nouveau face à ce postulat initial, durement combattu dans les années 60 : la modernité n’a pas su penser d’autres réponses au délit, alternatives à l’internement. La prison est apparue, bon an, mal an, comme la solution la plus simple et plus économique au désordre social diffus.
L’idéologie pénitentiaire est ainsi devenue un des piliers de la culture politique contemporaine qui, en ne parvenant plus à faire vivre l’espérance, a fait de la peur et de l’angoisse un de ses répertoires les plus fructueux, en nourrissant la psychologie sociale avec les impulsions les plus troubles de l’âme humaine, devenue otage du ressentiment et de la vengeance. Ce courant est décrit par Loïc Wacquant (Punir les pauvres. Le nouveau gouvernement de l’insécurité, Agone, Paris 2004), comme un enchevêtrement confus de sentiments qui mêlent la peur de l’avenir, l’obsession pour le déclin social et l’angoisse de ne pas pouvoir transmettre son propre statut social aux fil(le)s, à cause d’une compétition pour les titres et les postes toujours plus incertaine et effrenée.
Cette insécurité sociale et mentale, diffuse et multiforme, frappe directement les familles des classes populaires pourvues du capital culturel requis pour accéder aux secteurs protégés du marché du travail; celle-ci investit aussi de larges secteurs des classes moyennes, et les nouveaux discours martiaux des politiques et des médias sur la délinquance la captent et la fixent sur la seule question de l’insécurité physique ou de la menace criminelle, et en effet supplémentaire de l’insécurité, domine le “sentiment d’insécurité”, ou bien l’état d’âme, la perception sociale du malaise, devenu un des indicateurs statistiques de grande fiabilité, capable de décider de la carrière d’un ministre de l’Intérieur ou de la Justice, ou de sommets des forces de l’Ordre.
En s’essayant à une perception sociale, ou peut-être à un sentiment, advient qu’elle soit spécifiquement dépourvue de consistance réelle, mais issu du fruit de courants irrationnels, de pulsions orientées, sollicitées par qui contrôle les médias et les sources de la communication. Domine alors l’interprétation publique la plus forte, le sentiment d’insécurité le plus conforme aux groupes sociaux qui voient leur propre point de vue mieux représenté et véhiculé. La perte des postes de travail , les licenciements, le chômage et la précarisation de l’emploi, avec les drames et les malaises sociaux et existentiels qui atteignent des familles entières, ne sont pas perçus et pris en charge comme aspect d’un sentiment d’insécurité collective, mais viennent relégués aux états d’âme de sphères sociales précises, coupables de réfuter les conditions de travail, qui autrement permettraient de soutenir la concurrence et assurer stabilité sociale et croissance économique . Il ne s’agit donc pas d’une incertitude quant au furur dérivant d’une nouvelle condition de précarisation sociale, d’un modèle darwiniste de société qui se répand, mais d’une volonté injustifiée de conserver les privilèges et les avantages.
De telle sorte que cette insécurité s’avilit en sentiment illégitime, privé de cette dignité scientifique qui lui concèderait bien d’être repris par les indicateurs statistiques, en introduisant un objectif nouveau dans l’agenda politique. D’autres phénomènes suscitent l’alarme, comme les pillages sauvages dans les villes pavillonnaires du Nord-Est, les attaques de bijouteries ou de stations d’essence avec des revolvers en plastique, les hold-up de banques à la cisaille. Il arrive ainsi que le sentiment d’insécurité, mesuré uniquement sur les paramètres de cette nature, ressorte plus élevé dans les zones urbaines aisées, où les infractions sont quasi inexistantes. C’est précisément pourquoi il s’agit de sentiment, et non pas d’insécurité vraiment. Mais une fois propagé par les médias, cela parvient à produire une paradoxale augmentation de l’indice d’inquiétude jusque dans les foules des quartiers populaires, non plus préoccupées de revenir du marché le cabas decourses vide, mais de subir d’hypothètiques assauts dans les cuisines de leurs habitats populaires.

D’un régime de sensibilité à l’autre
Est sensible la perte d’une pensée forte qui sache de nouveau rompre une telle spirale, qui soumette à une critique explicite l’idéologie pénale et relanceun nouveau projet politique capable d’affirmer un type de société où l’idée de la pénalisation ne trouve plus place. “La question n’et pas de savoir quoi faire de la prison, comment l’améliorer, ou peut-être comment adapter l’ordre pénitentiaire aux normes générales de l’État de Droit, il s’agit au contraire de se demander comment s’en débarrasser et ce, au plus vite, parce qu’et évident que nous serons sans doute considéré avec répulsion et mépris par les générations futures”, c’est autant que nous invite à le faire le philosophe Alain Brossat dans son livre concis, Pour en finir avec la prison, 2002. L’invite à remettre en discussion hérédité de la pensée, habitudes philosophiques que nous pensions intouchables, soulève des questions inconfortables et épineuses, mais peut-être c’est précisément d’un regard différent sur les/des fondamentaux qu’il convient de repartir. En reparcourant la généalogie du pénal, Brossat présente une lecture désenchantée de l’Illuminisme qui, dans le domaine du système des peines s’avance dans un moment décisif de passage d’un régime de sensibilité à l’autre. En réélaborant la thèse de Norbert Elias sur la domestication de la violence, il y note l’émergence d’une hyperesthèsie sociale, ou encore l’apparition d’un “sujet hypersensible de notre modernité” qui ne supporte pas, pour commencer, la souffrance même face au spectacle de la brutalité extrême et de la cruauté. Ce qui expliquerait bien l’avènement d’une sensibilité humaine égocentrique plus qu’altruiste.
Analyses qui nous offrent de nouveaux outils pour mieux comprendre, par exemple, cette cosmétique linguistique qui a camouflé l’essence de quelques-uns des conflits guerriers des dernières années. La “guerre éthique” de Tony Blair, les ingérences humanitaires armées, les opérations de police internationales, les occupations militaires déguisées sous la formule de “peace making” et “peace keeping”, les “bombes intelligentes”, les bombardements “chirurgicaux”, les “effets colatéraux”, le mythe de la “guerre propre au coût zéro”, font partie d’un dictionnaire novateur qui intercepte l’ineffroyable sensibilité occidentale. Le paradoxe de cette moderne impressionabilité réside dans la présence d’un sentiment d’horreur qui ne vient pas à bout de la violence, pour ne se contenter que de la rendre invisible, et cela n’est pas seulement valable pour les actes commis, mais a fortiori pour la pensée. S’est imposée en somme une sélective indignation paradoxale qui, en matière pénale, en montrant de l’aversion pour la violence explicite des supplices, entraîne la révolte devant l’internement des corps soustraits à la vue, de cette façon vouée à l’oubli et “vite privés de la pitié”.

La mise en scène du supplice

Plus que célébrer une “litanie du Progrès”, Michel Foucault, en retraçant les divers degrés de châtiments et des peines, des supplices et des prisons, visait à démontrer comment une “fonction sociale complexe” était inhérente aux punitions, qui outrepassait le simple rôle répressif. problème non seulement juridique, donc, conséquence de l’application du Droit, mais aussi fait pleinement politique. L’économie du châtiment, selon l’auteur de Surveiller et punir, appartient à ce vaste champ dans lequel interviennent les procédures de pouvoir. Les supplices de l’Ancien régime, plus que rétablir la justice, réparer un dommage, avaient pour fonction de réactiver le pouvoir en offrant au peuple le spectacle de la souffrance. Le supplice de Damiens, “le Régicide” est un des exemples historiques dont nous est parvenu une trace. Ainsi décrit-il cette affaire, Monsieur Alexandre André le Breton, greffier criminel du Parlement, soit aussi, Chancellier pénal de la Cour suprême de Justice, dans le “Précis historique” annexe aux quatre volumes des “pièces originales et procédures du procès fait à Robert-François Damiens” : en cette année 1757, Paris était traversé par une des habituelles vengeances du pouvoir royal à l’endroit des sommets du pouvoir des toques à hermine. Le Mercredi 5 janvier, à la nuit tombée, quelqu’un a, “en haut des escaliers, près de la voûte”, blessé le roi à la cinquième côte, avec un couteau; le dommage est minime, comparable à une tête d’épingle, mais cela devient une offense énorme faite au sacro-saint corps du souverain. L’auteur de l’attentat est Robert-François Damiens, chômeur, auparavant domestique en diverses maisons, muni de références discrètes et quelque anomalie comportementale. Les précédents signalent un frénétique taciturne, curieux “frondeur” élucubrateur, qui soliloque ; conscient “de l’effervescence de son propre sang”, il cherchait dans un soulèvement qu’on répandit le sang en abondance. En évoquant l’accusé, Le Breton conjugue les verbes à l’imparfait parce que “le scélérat” n’appartient déjà plus à ce monde. Il a rendu l’âme à Dieu , le Lundi 28 mars, en “Place de Grève” (l’actuelle Place de l’Hôtel de Ville), après très long supplice techniquement défectueux, ainsi qu’il en arrive de même à ces patients condamnés à la “peine d’être tirés par quatre chevaux”.
La traction des quatre chevaux n’ayant pas suffi à l’écarteler, ils y seraient arrivés si, après conseil à propos pris auprès du médecin, l’équipe d’exécuteurs des basses œuvres n’avaient empoigné les couteaux et tranché quelques tendons. “Puisqu’il arrive d’ordinaire que les tendons et les ligaments résistent et ne cèdent pas tout à fait, malgré les efforts des quatre chevaux, et même si on en rajoute, il convient à la fin de sectionner les ligaments à la jointure des os” ; alors seulement “les chevaux parviennent à arracher chacun un membre”. Le supplice dure à peine “deux heures, lui vivant”. La lame employée dans l’agression n’était pas propre à procurer des blessures mortelles. Franco Cordero, dont nous avons extrait les citations qui suivent de son manuel de Procédure pénale : “Parmi les fainéants qui fréquentaient les couloirs et les salles judiciaires du Palais”, Damiens était devenu un admirateur des seigneurs en toge, champions de la dite “liberté gallicane”, piégée par la politique ministérielle ; “on ne lui connaît pas de complices, ni de mandataires, mais les Messieurs (en ce contexte, en de telles occasions, cela comprend les Princes de sang et les hauts dignitaires), indirectement mis en cause, châtient les suspects en prononçant une sentence mémorable”.

L’escamotage de la peine et le spectacle du procès
À partir du XVIII° siècle, la religion de la confession a cédé la place à la confiance en la preuve, la réclusion se substitue à la torture, aux mutilations, aux supplices exemplaires. La justice désacralisée, la procédure pénale désenchantée, les délits imaginaires disparus, redresser et corriger, avant même encore de punir, deviennent les paroles d’ordre de l’Illuminisme pénal et du réformisme judiciaire. Les théories du Contrat social ne conçoivent plus le crime comme un attentat au corps mystique du souverain, mais comme une rupture du pacte social. L’entité de la punition doit apparaître alors graduée à l’infraction commise et surtout être sûre, parce qu’elle pourrait exercer un effet dissuasif.
Cette transformation conduit à l’escamotage de la punition, à la proscription du spectacle punitif. Le cérémonial de la peine entre dans l’ombre, pour devenir une obscure pratique administrative, substituée par la publicité en dents de scie du procès et de la sentence, moments en priorité secrets. Le volte-face est radical. Procès et condamnation, plus même que la peine, deviennent le stigmate négatif qui doit marquer le délinquant. L’exécution de la sanction paraît ainsi une ignominie supplémentaire dont la Justice a honte de la montrer. On s’en tient à distance. La peine échappe au champ des perceptions quotidiennes pour entrer en une dimension abstraite, méconnue, imaginée, non visible. L’efficacité est dévolue à son inéluctable fatalité, et non plus à son intensité perceptible. La certitude d’être puni et non plus l’abominable théâtre, la scène dégoûtante, en viennent à en représenter l’avertissement. Le corps n’est plus exposé, mais interminablement reclus. “L’impressionabilité n’est plus liée à l’éphémère intensité du supplice, à son exemplarité illusoire, mais fondée sur la durée”. Ce qui consent à la Justice de n’avoir plus à s’occuper d’assumer publiquement la part de violence qui est intrinsèque à son exercice. La punition n’apparaît plus comme telle parce que les nouvelles techniques visent à remettre le déviant dans le rang. Mais derrière le propos de “guérir “, se profile en réalité l’aspect plus concret de l’expiation, à savoir le châtiment.

L’apologétique carcérale
C’est ainsi que naît un genre nouveau: l’apologétique carcérale, un projet édifiant voué à la réinsertion d’une partie déviante de la société. Avec Beccaria et Bentham se déploie un processus de rationalisation des doctrines ainsi que de l’architecture punitive, non plus fondé sur la dégradation des corps, mais sur la corrections des mentalités. “Non pas le terrible mais passager spectacle de la mort d’un scélérat, mais le long et ostensible exemple d’un homme privé de liberté, qui devenu bête de servage, récompense la société qu’il a offensée par ses corvées, ce qui est le frein le plus fort contre les tentations délictueuses” : c’est la citation d’un passage tiré de Des délits et des peines, que Brossat propose, en notant au passage comment la philosophie pénale illuministe invente avec la prison une nouvelle fabrique de l’inhumain, qui en vient à se substituer aux abattoirs du tourment, en définissant le passage du régime du supplice sur les corps à celui de leur abandon, de la cruauté à l’insensibilité. Mais déjà, Benjamin Constant, en vieux père du libéralisme moderne, mettait en garde contre l’illusion humanitaire : “les punitions que l’on a voulu substituer à la peine de mort ne sont que cette même peine infligée avec minutie, presque toujours de façon plus lente et douloureuse.” Le bourreau disparaît mais les geôliers augmentent. Finalement, les détenus n’éprouvent plus la faim et les privations dans les prisons de l’Occident moderne et opulent; ils dépriment au contraire, pourrissent, se vident, se misérabilisent, se suicident justement. Ils font de la vie même une maladie. L’institution pénitentiaire ne tue presque plus de sa propre main, elle les laisse se tuer eux-mêmes, pendant la propagation du libéralisme économique, après la décennie 80, le nombre des incarcérés a commencé à augmenter démesurément, et les peines à gonfler sans frein. Le nombre des criminels a crû parce que s’est élargie la palette des comportements sanctionnés. La prison s’est reproposée en institution criminogène, en fabrique de la déviance qui soustend l’idée paranoïaque d’une société en liberté conditionnelle.

Le paradigme victimaire
À ce propos, Brossat signale une configuration ultérieure de la sensibilité, investie du surcroît du paradigme victimaire. Un procès de neutralisation substantielle et de dépolitisation de la figure de la victime qui, devenue une icône de la martyrologie étatique, annule “les perdants et vaincus de l’Histoire”. Derrière lequel émerge une opinion humanitaire nouvelle qui, retournant les présupposés de la critique illuministe (circulation libre des idées en un espace public autonome de la sphère étatique et religieuse), se conçoit comme un rempart avancé de la loi et de l’ordre en invoquant une nouvelle forme d’intolérance. Ce qui revient, sans plus de remords ni hypocrisie, à affirmer l’objectif uniquement afflictif de la peine. Ainsi que le reconnaissait voici plus d’un siècle le sociologue Émile Durkheim: “la peine est restée une œuvre de vengeance. On dit que l’on ne fait pas souffrir le coupable pour la seule raison de le faire souffrir. Il n’en est pas moins vrai toutefois que nous trouvons juste qu’il souffre”, et pour ça, il n’oubliait pas de recommander que “la condition pénitentiaire doit être plus draconienne que celle de l’homme libre le plus indigent”.

La rétribution symbolique
La prison ne change pas. Elle reste le lieu dans lequel l’État régule avec froideur ses comptes avec les classes dangereuses, ce en quoi il montre sans émotions ni faiblesses qui commande, en rappelant aux vaincus combien il en coûte de continuer à prétendre ignorer les règles du jeu. Cette essence politique qui est la sienne suggère donc de changer notre vision de l’ “opinion humanitaire”, sur la base d’une approche compassionnelle qui déverse sa critique uniquement sur la souffrance du détenu, mais en observant la prison comme manifestation de la violence d’État, lieu de l’exception souveraine. Cela développe une fonction politique décisive puisqu’elle réunit la communauté contre celui qui a enfreint les règles. La réclusion renforce donc le lien social, prépare la sécurisation future. Toute peine infligée orchestre une rétribution, une restauration, en réinvestissant d’une fonction lénifiante pour la conscience collective frappée par les crimes. Il n’est aucun réformisme pénitentiaire qui ait réellement insinué une telle philosophie. Aujourd’hui face à l’abyssale faillite de l’humanisme pénal, Brossat invite à rejeter définitivement la duperie fondatrice de la prison. La prison ne sert à rien et l’espérance que le Droit y fasse une entrée pleine et sereine – conclut-il – ne nous conduira pas pour autant à l’ère de “l’après prison”, mais seulement à celle d’un Droit emprisonné. Pour ce propos, ce n’est pas l’État de droit qui s’étend dans les prisons, mais le modèle carcéral qui gagne du terrain dans la société, ainsi que le démontrent les centres de permanence temporaire et les nouvelles structures de détention atténuée.

Emprisonner le Droit ou abolir la prison ?
Penser que “pour éliminer le scandale des prisons il soit suffisant de rendre adéquats leur régime interne aux normes générales de l’État de Droit”, penser qu’il soit suffisant de garantir le niveau minimum d’intégrité fondamental et l’immunité de la personne détenue, pour faire de la prison un espace définitivement “humanisé” et juridiquement correct, outre que cela renvoie à une conception purement passive des droits, compris uniquement comme tutelle pure de la personne, à l’égal d’un tuteur d’organisme végétal, muet et dépourvu de pensée propre (comme la flore sollicitée par les ambientalistes), montre l’incompréhension absolue des effets de l’internement. L’entrée en prison provoque une dégradation juridico-politique de l’interné, réduit à un simple corps ? “La détention est la preuve la plus radicale qui soit de non-appartenance à la communauté civile”. Le détenu est privé de “droits en tant que sujet”, et peut réagir avec une morgue impudente, et ainsi qu’avec autant de tampons de l’administration en bas de chaque page de son dossier, un vice-directeur d’un institut de peines répondre à un détenu qui lui demande sur quels fondements juridiques s’appuie le traitement pénitentiaire qui lui est réservé. Une condition qui renvoie à celle de l’ostracisé, du bandit, de l’exilé intérieur. Il est impensable imaginer l’exercice des libertés politiques à l’intérieur d’un système disciplinaire qui considère la sanction consubstantielle, non seulement à la privation de la liberté physique, à la réduction brutale des possibilités de mouvement, au “disciplinage” des corps, au contrôle des sentiments, des émotions, des affects, à la privation de quelques fonctions essentielles de la vie humaine, mais aussi au droit de réunion et de discussion.
Lieu concentrationnaire par excellence, la prison ne prévoit pas l’existence d’un “espace public” interne aux murs d’enceinte. Les sections sont strictement séparées les unes des autres, les cellules demeurent fermées tout le jour durant, exception faite de quelques instituts de peine. Il n’y a aucune liberté de circulation, les seuls lieux de rencontre demeurent les promenades durant les heures de sorties à l’air libre, les salles de sport (dans les centres qui en sont pourvus), les éventuels activités liées à la réinsertion, les lieux de culte. La communication emprunte alors des courants souterrains, suit des trajectoires tortueuses, s’enfonce dans de longs parcours discrets et réservés cherchant à éviter les yeux omniprésents de l’administration, en se servant de l’ancien savoir-faire des esclaves. En substance, l’hypothèse d’une “vie active”, pour emprunter une expression d’Hannah Arendt, ou en d’autres termes, l’exercice de la citadinité, à l’intérieur de laquelle l’individu détenu se trouve être envisagé aussi comme être pensant, capable de produire de l’activité relationnelle de type sociale, politique et culturelle, n’étant à aucun moment pris en considération, et même entravé autant qu’il est possible. Si la communication entre détenus n’est pas formellement interdite, sauf explicites précautions/garanties de l’autorité judiciaire, l’entière machinerie pénitentiaire est construite pour l’empêcher, l’intercepter, la supprimer.

Quelle peut alors être l’issue d’évasion de l’idéologie pénitentiaire ? Désincarcérer la société voudrions-nous entendre répondre. Mais combien sont prêts à scier les barreaux qui emprisonnent leur propre conscience ?

Traduit de l’italien par Sedira Boudjemaa

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Paolo Persichetti
Hortus musicus n. 20 anno V – ottobre-dicembre 2004

http://www.hortusmusicus.com

I passati rivoluzionari faticano a diventare storia.
Adagiati nel limbo della rimozione periodicamente
vedono schiudersi le porte dell’inferno che risucchia brandelli di vita,
trascina esistenze sospese.

Lasciti, residui d’epoche finite che rimangono ostaggio dell’uso politico della memoria.

Non un passato che torna ma un futuro che manca

Il 30 giugno 2004, la chambre d’accusation de la cour d’appel di Parigi ha concesso “avviso favorevole” alla domanda d’estradizione rivolta dall’Italia nei confronti di Cesare Battisti. Non è la prima volta che un parere del genere viene espresso; è accaduto in più occasioni anche negli anni della dottrina Mitterrand. Questo “avviso” rappresenta, infatti, un semplice parere sulla ricevibilità tecnico-giuridica della richiesta. Almeno tale era l’interpretazione incontestata che coverhm20mediaveniva fornita negli anni in cui il diritto estradizionale non era stato ancora abrogato dall’entrata in vigore del mandato d’arresto europeo. Le nuove procedure, infatti, hanno introdotto il principio del reciproco riconoscimento delle decisioni di giustizia penale, tra gli stati membri dell’Unione. Una prassi che inaugura lo spazio giudiziario europeo sotto i cattivi auspici di un evidente disequilibrio tra le accresciute potenzialità repressive delle autorità statali e le ridotte garanzie di tutela dei singoli cittadini dell’Unione. L’obiettivo primario delle nuove norme entrate in vigore nel 2004 è quello di togliere al potere politico la possibilità di decidere, in ultima istanza, sulla estradizione. Infatti, nella vecchia tradizione sancita dai numerosi trattati bilaterali sorti nell’epoca dello jus publicum europeum, e poi recepita nelle diverse convenzioni europee pattuite nel corso del Novecento, la decisione (ben diversa dalla emissione di un semplice avviso tecnico) restava una prerogativa sovrana del potere politico. Più che di un processo di desovranizzazione siamo di fronte ad una nuova forma di sovranità, non più stabilita su scala nazionale e sulla base di una legittimità politica derivante dal suffragio, ma proiettata in uno spazio sovranazionale sorretto da una legittimità che non trae fondamento dal suffragio, ma dal processo d’integrazione e d’autonomizzazione di alcune tecnostrutture statali. I vari protocolli stabiliti con il sistema informatico Schengen, il mandato d’arresto europeo, Europol ed Eurojust stanno alle vecchie sovranità politiche come la Banca centrale europea sta alla vecchie politiche economiche nazionali di scuola keynesiana. Il diritto estradizionale ha rappresentato per oltre un secolo il meglio della cultura giuridica di scuola liberale. Maturato nella temperie delle lotte nazionali, democratiche e repubblicane del XIX° secolo, esso viene definitivamente sotterrato nell’epoca che vanta il dominio assoluto del modello neoliberale sul pianeta. Circostanza che suggerisce più di una riflessione sulla natura liberticida e dispotica del neoliberismo contemporaneo, marcato dall’eccezione permanente inaugurata subito dopo l’11 settembre 2001.
Trasformato in una foglia di fico, il diritto non riesce più neanche a salvaguardare la propria logica formale interna, assumendo sempre più le goffe sembianze di un travestimento kelseniano dell’essenza decisionista sostenuta da Schmitt. Il nuovo mandato europeo viola persino la regola della non retroattività. Entrato in vigore nel 2004, ai singoli Paesi è stata lasciata la possibilità di retrodatare la soglia temporale a partire dalla quale le nuove norme hanno valore. In Francia questo limite è stato esteso fino al 1993. La procedura applicata nei confronti di Cesare Battisti si è dunque prevalsa, almeno formalmente, delle disposizioni previste dalla convenzione europea del 1957. Ma a nessuno sfugge come il merito della decisione finale sia stato ispirato dalla nuova cultura giudiziaria liquidatoria delle vecchie garanzie previste dalla passata dottrina. Lo spirito del mandato d’arresto europeo è prevalso sulla lettera della vecchia convenzione, l’anticipazione virtuale sulla norma reale. Una circostanza non nuova. Gran parte degli avvisi favorevoli emessi dalle Chambres a partire dalla metà degli anni Novanta nei confronti dei fuoriusciti italiani, si è ispirata a questa anticipazione zelante di norme non ancora in vigore, dando vita ad una vera e propria giurisprudenza virtuale .
Quel che più colpisce nell’ultima decisione presa dai magistrati francesi, senza voler entrare troppo nei dettagli giuridici, è la palese violazione del ne bis in idem, la fondamentale regola che ogni matricola di giurisprudenza apprende sui banchi dell’università fin dalle prime lezioni di diritto. Non si può essere giudicati due volte per gli stessi fatti. Importa poco che nel 1991 la procedura riguardasse solo degli ordini di cattura e non dei mandati d’esecuzione pena. Gli episodi contestati restano gli stessi senza che sia nemmeno mutata nel frattempo la loro qualificazione. Un tempo, recitava una dottrina oramai desueta, di fronte ad una condanna definitiva l’obbligo di tutela e l’esercizio del principio di precauzione dovevano essere esercitati con un’attenzione ancora maggiore, non essendo più consentita alcuna possibilità di correggere il giudizio finale. Le autorità politiche francesi, attraverso alcune dichiarazioni del guardasigilli Dominique Perben e del presidente della Repubblica Jacques Chirac, hanno lasciato trapelare l’intenzione di voler firmare il decreto d’estradizione, una volta che il fascicolo sarà giunto sul tavolo del governo, aprendo così la strada, salvo fatti nuovi, ad una lunga sequela d’altri casi. Un capovolgimento di fronte che appare ancora più netto della decisione assunta nell’agosto 2002 nei confronti del sottoscritto. rossoLa nuova procedura d’estradizione avviata contro Cesare Battisti ha
scioccato la sinistra francese, scatenando accese reazioni e dibattiti. Fatto senza precedenti, molti leaders della sinistra, dai Verdi, alla Lcr, al Pcf fino allo stesso segretario del partito socialista, Fraçois Hollande, hanno reso visita al rifugiato italiano rinchiuso nella prigione parigina della Santé, mentre il sindaco di Parigi, Jean Delanoe, insieme alla giunta di rosso-verde lo ha dichiarato sotto la protezione del Comune. L’ampio sostegno e la forte simpatia iniziale sono stati successivamente compromessi dalle ripercussioni di una disastrosa campagna stampa infarcita d’errori, rappresentazioni grottesche, discorsi improvvisati, pressapochismi storico-politici sugli anni Settanta e sull’Italia recente, a cui hanno preso parte alcuni scrittori di gialli e fantascienza. Molti dei loro interventi hanno offerto pretesti insperati ai sostenitori delle ragioni dello Stato e della magistratura italiana che, per la prima volta da venti anni a questa parte, sono riusciti guadagnare terreno e simpatie, peraltro rispondendo agli argomenti dilettanteschi sollevati in favore del fuoriuscito italiano con discorsi non meno faziosi e ipocriti. Un contesto sfuggito di mano alla tradizionale linea politica tenuta dai fuoriusciti e improntata ad una rigorosa critica della giustizia d’emergenza. Oggetto della disputa era la veridicità del ricorso alla giustizia d’eccezione per reprimere l’offensiva rivoluzionaria degli anni Settanta e più in generale il giudizio sulla natura democratica o dittatoriale dell’Italia. Alcuni interventi apparsi sui quotidiani francesi (le Monde, Libération, L’Humanité) hanno evocato l’immagine maldestra dei «tribunali militari», triste ricordo della repressione della Comune di Parigi e più in generale il ricorso ad uno stato d’eccezione classico, con la sospensione delle giurisdizioni ordinarie e la creazione di tribunali speciali (sul modello del Tribunale speciale fascista o della Cour de sûreté de l’État), senza risparmiare approssimativi ritratti su un’Italia in stivali e camicia nera. Argomenti di chiara marca girotondina che ricalcavano quanto figure come Dario Fo (le Monde dell’11 gennaio 2002, «Le nouveau fascisme est arrivé») e Antonio Tabucchi (le Monde del 6 febbraio 2002, «L’abîme du totalitarisme»), avevano denunciato all’opinione pubblica francese pochi mesi dopo la bruciante, anche se largamente prevista, sconfitta dell’Ulivo nel maggio 2001. pg_008
Su le Monde del 27 marzo 2004, il presidente dell’Associazione nazionale magistrati, Edmomdo Bruti Liberati, ha avuto facile gioco nel replicare che tutto ciò non era mai avvenuto. Confortato da questa ovvietà, si è poi lanciato in una vile menzogna, asserendo che la giustizia italiana aveva giudicato quella lunga stagione d’insorgenza politica in modo assolutamente sereno ed equilibrato, senza l’ausilio di misure eccezionali e mantenendo intatte tutte le garanzie costituzionali, nonostante il contenuto d’alcune sentenze dell’Alta corte, emanate nei primi anni Ottanta, lo smentissero apertamente. All’epoca, la Consulta aveva riconosciuto il ricorso all’eccezione, giustificando il diritto di governo e parlamento ad adottare un’apposita legislazione svincolata dalle garanzie costituzionali. In realtà l’esperienza italiana ha innovato il repertorio classico dello stato d’eccezione, mettendo in pratica un modello molto diverso da quella situazione di “sospensione” o “vuoto” del diritto di cui ha recentemente scritto il filosofo Giorgio Agamben (Lo stato d’eccezione, Bollati Boringhieri 2003). L’Italia non ha affatto sospeso il diritto ordinario, non ha avuto bisogno di dotarsi di giurisdizioni speciali. Al contrario ha stravolto, deformato, inquinato il diritto penale corrente, camuffando sapientemente l’eccezione e rendendola in questo modo permanente: attraverso deroghe, nuovi reati, aggravanti speciali, appesantimenti delle pene, riformulazione dei criteri di formazione della prova (la parola dei pentiti), allungamento smisurato della detenzione preventiva, procedure eccezionali e pratiche informali . La norma corrente si è così dissolta in un vasto insieme d’eccezioni, creando una situazione d’ibrido giuridico. L’Italia ha fatto a meno dei giudici militari perché, sotto la toga, la magistratura ordinaria ha indossato l’uniforme dello Stato etico, assumendo una postura politica e sposando una vocazione purificatrice e combattente del proprio ruolo, corredato di un potentissimo arsenale penale speciale. Una formula innovativa della “eccezione giudiziaria” rimasta inconfessata e inconfessabile, come hanno dimostrato le parole di Bruti Liberati e d’altri insieme a lui. Quanto alla suscettibilità di cui hanno fatto mostra le autorità italiane insieme alla stampa di destra come di sinistra, è bene rammentare che nei decenni passati, nonostante la Francia abbia ripetutamente fatto ricorso alla giustizia d’eccezione e addirittura mantenuto nel suo ordinamento la pena di morte, abolita solo nel 1981, a tal punto che gli altri paesi europei non accedevano alle sue domande d’estradizione, ciò non ha compromesso il giudizio delle altre nazioni nei suoi confronti, e questo perché sempre più la forma dell’eccezione moderna investe le democrazie. Lo scandalo sollevato nei confronti delle accuse mosse alla giustizia italiana da una parte della società francese ha fatto emergere anche la sfacciata doppiezza che su fronti avversi oppone il discorso dell’associazione nazionale magistrati e dei suoi supporters giustizialisti della sinistra a quello della destra berlusconiana o leghista. Mentre i primi non esitano a denunciare all’interno del territorio nazionale i «progetti di fascistizzazione dell’ordinamento giudiziario», come affermato dal segretario generale dell’Anm, Carlo Fucci, per poi all’estero attaccare quelli che, avendo letto quanto da loro stessi detto, ripetono ingenuamente le medesime critiche; i secondi, in patria, accusano la magistratura di totalitarismo ma fuori pretendono che le sue sentenze vengano rispettate e venerate, purché non riguardino gli affari personali del loro premier, Silvio Berlusconi.
Se l’estradizione di Battisti verrà portata a termine, sempre che le differenti istanze di ricorso ancora disponibili non la annullino, lo Stato italiano vedrà coronare lo sforzo avviato negli ultimi tempi, con l’ausilio dei mezzi più disparati, per ricondurre nelle carceri vecchi militanti condannati per lontani fatti di lotta armata, che da uno o più decenni erano riparati all’estero . Oltre trent’anni ci separano dall’inizio della lotta armata, almeno quindici dalla sua conclusione. L’80% dei prigionieri è in carcere da un periodo che oscilla tra i 21 e i 26 anni; la maggior parte dei restanti almeno da 16. Tutto ciò però non appaga affatto i partigiani della certezza della pena. I fautori della legalità ritengono, infatti, che vi siano tuttora conti aperti, anche quando le ultime indagini hanno dimostrato che i due attentati del 1999 e del 2002, venuti ad interrompere oltre un decennio di silenzio, nulla hanno a che vedere con il passato e tanto meno con un fantomatico “santuario francese”, inizialmente accreditato dalle autorità per giustificare le estradizioni.  Sulle ragioni di questo surreale ritorno delle armi vi sarebbe molto da dire, compresa la sfrenata voglia di rimozione degli anni Settanta, il rifiuto ostinato dell’amnistia che ha congelato il tempo e cristallizzato le epoche, tentando d’impedire a quel sapere incarcerato, a quelle esperienze sotto chiave o esiliate, di far valere le ragioni dell’irriproducibilità e inattualità dei modelli di lotta armata trascorsi. Larghi settori della società italiana rimproverano i prigionieri e i rifugiati di non aver mai fatto atto di pubblico pentimento e per questo di aver eluso il senso di colpa, mantenendo per giunta un atteggiamento ambiguo nei confronti di una cultura politica che non esclude il ricorso alla violenza. Il superamento del passato resta ancora un terreno di controversia. Ciò che per gli uni è oramai storia, materia d’indagine e inchieste serrate, da discutere con le tecniche fredde e puntigliose delle scienze sociali, per gli altri è tuttora una ferita aperta, una piaga viva che non può e non deve cicatrizzarsi. Allo scandaglio del lavoro storico si contrappone la venerazione di una memoria trasfigurata nel culto di un dolore non riassorbibile. Al lavoro d’incorporazione del passato doloroso e conflittuale, si sostituisce un atteggiamento di rifiuto che fa di quel passato una trincea su cui attestarsi. 131677
I vinti, se non altro per quella saggezza che fuoriesce dal disagio di chi deve confrontarsi con circostanze sfavorevoli, hanno dovuto misurarsi con la sconfitta esplorandone gli aspetti più reconditi, vivendola sui propri tragitti esistenziali, tra esili senza asilo e castighi. All’anatema hanno opposto la riflessione. Avrebbero potuto barricarsi nelle torri in cemento blindato delle carceri, trovare conforto nell’isolamento penitenziario che gli era destinato, come è accaduto ad alcuni, oppure arroccarsi nel dolore per le vittime della propria parte, sentirsi l’emblema sacrificale di un martirio metastorico, vivere di una mortifera nostalgia che come scrive Milan Kundera, «non intensifica l’attività della memoria, non risveglia ricordi, basta a se stessa, alla propria emozione, assorbita com’è dalla sofferenza». Invece hanno rifiutato tutto questo. Non si sono sottratti alla realtà mutata. Hanno cercato, nonostante i muri e le sbarre, di andare oltre. Sono evasi dalla loro pena, sono fuggiti ai carcerieri rimasti a sorvegliare solo i fantasmi di una società attardata, ancora madida di rancore contro le immagini vuote di icone da odiare. Non sorprende dunque, se tuttora resta incompresa, o suscita addirittura scandalo, la scelta di François Mitterand d’offrire uno spazio d’asilo informale ai fuoriusciti italiani. Un atteggiamento che non cercava risposte a come si fosse scatenata la violenza politica, ma a come se ne potesse uscire. Per una sorta di contrappasso della storia, la Francia degli anni Ottanta restituiva l’aiuto ricevuto negli anni della guerra d’Algeria, quando l’Italia rifiutava sistematicamente l’estradizione dei militanti del Fln o dell’Oas, tra i quali anche uno degli autori dell’attentato del Petit-Clamart contro De Gaulle. Ma a differenza di allora, il declino di quelle culture politiche che sapendo pensare il conflitto erano anche in grado di riassorbire la violenza, quando questa straripava nei momenti più aspri dello scontro, ha ceduto il posto a visioni etiche e concezioni penali che mettono al centro della loro azione temi morali come il problema della colpa.
L’ombra lunga di Auschwitz ha portato con sé l’era dell’imperdonabile, dell’imprescrittibile, dell’indicibile e dell’inescusabile. Male, colpa, vittima, sono figure che assurgono a nuove categorie di una visione morale della storia che relega la politica in luoghi reconditi e infimi e annulla ogni differenza di luogo, di spazio e di tempo. Destoricizzati e desocializzati, gli eventi si colorano di un’aura sacrale. Muta la stessa percezione che i soggetti hanno di se e della loro collocazione all’interno dei fatti. L’esaltazione narcisistica del dolore introduce una nuova dimensione simbolica degli avvenimenti. La reciprocità agonistica è sostituita dall’inconciliabilità vittimistica. Una competizione della sofferenza, tra vittima dominante e vittima soccombente, che mina ogni possibile terreno di riconciliazione civile. Per questo l’amnistia è divenuta una proposta indecente, qualcosa che racchiude il massimo d’irrealismo politico e d’immoralità etica. Strano destino quello di un istituto nato con la democrazia ateniese e divenuto un tabù per le democrazie moderne. Forse una spiegazione si trova in quella finzione che presuppone il gioco democratico. L’amnistia si concepisce unicamente se si considera il corpo politico come diviso o potenzialmente divisibile. Invece oggi i sistemi politici democratici hanno sempre più vocazione ad autorappresentarsi come modelli compiuti, assolutamente insuperabili se non attraverso processi regressivi, percorsi a ritroso che ristabiliscano forme autoritarie o oligarchiche. Il concetto è chiaro: al di fuori del sistema non può esserci un’altra sfera politica poiché l’ordinamento democratico è il compimento stesso della politica, il grado più elevato della sua capacità inclusiva. L’artificiale rifiuto di concepire possibili divisioni della comunità, genera un dispositivo perverso, totalmente autovincolante, da impedire al sistema di autocorregersi. Le democrazie attuali sembrano, infatti, unicamente preoccupate di preservare un’immagine consensuale, dove l’esistenza sociale si dipana in una realtà che deve apparire senza rilievi. Evocare l’amnistia sarebbe come ammettere l’esistenza di conflitti di fondo, di fratture che implicherebbero il riconoscimento di repressioni avvenute, della presenza di una palese disarmonia politica. Abbandonare questa ipocrisia, può forse aiutare la ricerca di soluzioni realistiche che calino di nuovo l’idea di democrazia all’interno della storia, riconducendola a quel gesto inaugurale del politico che è il “riconoscimento del conflitto dentro la società”. Ciò consentirebbe di recuperare quegli strumenti di ripoliticizzazione delle controversie, capaci di permettere al sistema d’autocorregersi dopo aver affrontato traumatiche fasi di divisione e scontro. Sarebbe paradossale, infatti, voler ribadire la figura del nemico irriconciliabile nel momento in cui le democrazie intendono affermarsi come un modello di superamento dell’inimicizia politica.