Purifications et repentances

Daniel Bensaïd
Contretemps n° 20, septembre 2007

En août 2006, le gouvernement polonais a fait adopter une loi de « lustration » obligeant tous les fonctionnaires, enseignants, journalistes, nés avant 1972, à avouer leur faute avant le 15 mai 2007 au cas où ils auraient collaboré avec le régime communiste entre 1945 et 1989. Cette loi s’inscrit dans la chasse aux sorcières lancée depuis l’arrivée au pouvoir, en octobre 2005, des jumeaux Kaczynski. D’après le dictionnaire, « lustration » signifie « purification rituelle ». En la circonstance, il s’agit aussi d’une purification générationnelle visant à construire une Pologne nouvelle, celle des Polonais nés après 1972. Cette frontière chronologique divise en deux à la fois l’histoire et la société, sous la haute autorité d’un Institut de la Mémoire nationale (qui consonne étrangement avec notre nouveau ministère de l’Identité nationale) qui, ironie archéologique, s’appuie sur les archives de l’ancien régime pour menacer 700 000 personnes d’interdictions professionnelles.

Sous la pression de protestations internationales et du refus d’obéissance de personnalités (dont le député européen et ancien ministre Bronislaw Geremek), la loi a été partiellement invalidée le 11 mai (quatre jours avant l’échéance) par le tribunal constitutionnel. Plusieurs professions visées ont été retirées de la liste noire : les journalistes, les recteurs, les directeurs d’écoles publiques et privées, ainsi que… les dirigeants d’entreprises cotées en Bourse ! Les sanctions prévues pour collaboration ont aussi été allégées. Il ne s’agit pas moins d’une « politique du ressentiment » et de la vengeance, au diapason des accents revanchards de Nicolas Sarkozy exorcisant le spectre de 1968. Dès leur accession au pouvoir, les frères Kaczynski annonçaient un énergique programme de « rénovation morale » et de « décommunisation » qui évoque la sinistre rhétorique du sénateur Mac Carthy.

Si les médias en France se sont émus de cet acharnement inquisitorial à partir du moment où il visait des personnalités comme Geremek (et même, à titre posthume, comme Jacek Kuron) connues pour avoir résisté au despotisme bureaucratique, ils avaient été bien moins vigilants en décembre 1991, lorsque l’Assemblée fédérale de Tchécoslovaquie avait adopté un amendement au code pénal criminalisant « la propagation du communisme » : « 1. Toute personne soutenant ou impulsant un mouvement visant ouvertement à supprimer les droits et libertés des citoyens ou prônant la haine nationale, raciale, de classe, ou religieuse, par exemple le fascisme ou le communisme, sera punie d’un an à cinq ans de prison ferme ; 2. Sera punie de trois à huit ans de prison ferme toute personne coupable de : a) avoir commis les délits mentionnés par voie de presse, film, radio, télévision, ou tout moyen analogue ; b) avoir commis un tel délit en tant que membre d’un groupe organisé ; c) avoir commis un tel délit en période d’état d’urgence. »

Et cette loi fut adoptée au pays dont Vaclav Havel était président [1]. Certes, il l’avait qualifiée de « tentative désespérée et tardive de régler nos comptes avec le passé, ce qui aurait dû être fait plus tôt et autrement ». C’était mieux que rien. Mais c’était peu.

Le Parlement tchécoslovaque prétendait en effet interdire la haine de classe au même titre que la haine raciale et religieuse. Il était clair pourtant que cette interdiction visait le droit à la résistance des dominés, non le droit – haineux – à l’exploitation et à la répression des classes dominantes. Selon la lettre d’une telle loi, les mineurs britanniques de 1984, les métallurgistes brésiliens de l’ABC dont les grèves ont contribué à faire chuter la dictature, les occupants d’usines de 1968, etc., seraient passibles de cinq ans de prison pour « incitation à la haine de classe ». Et Nelson Mandela, Nazim Hikmet, Abraham Serfaty, Pablo Neruda, Jorge Amado, José Revueltas, et tant d’autres, passibles de huit ans de prison pour « propagation du communisme ». De même que quiconque constitue un « groupe organisé » pour défendre des convictions communistes « par voie de presse ou de radio » !

J’ai reçu une lettre de Paolo Persichetti datée du 2 juillet 2007 et expédiée de la prison où il est détenu depuis août 2002 après avoir été livré à la justice italienne par le gouvernement français dont Nicolas Sarkozy était ministre de l’Intérieur au mépris de la loi d’extradition européenne. Paolo, y commente la notion de « repentance » de plus en plus exigée par les juges d’application des peines pour aménager les demandes d’un détenu (voir l’article d’Alain Brossat dans Contretemps n° 18) : « Il ne s’agit plus de l’aveu, ni de la collaboration classique, ni de la vieille délation ou du repentir que l’on a déjà connu avec les lois d’urgence antisubversion […]. La grande majorité de la gauche a fait de la séquence des années 1980 un pilier de son identité, prônant elle aussi la normalisation idéologique, la prise de distance avec toute violence d’en bas, euphémisant parallèlement la violence étatique. Il s’agit d’une véritable régression culturelle résultant de l’introjection des catégories et valeurs dominantes. Le vecteur politico-culturel de cette opération a été en Italie le Parti communiste, en particulier sa composante judiciaire. L’axe culturel de cette bataille fut le catho-communisme qui est parvenu à fondre les deux grandes traditions inquisitoriales de la modernité, l’Église et le communisme d’État. Toute la législation d’urgence porte cette empreinte culturelle construite autour des notions de repentance et de reniement. Il faut dire que des deux cultures étatiques en compétition en Italie à l’époque pour le leadership du combat contre-révolutionnaire – le catho-communisme et le social-libéralisme – c’est le premier qui prit le dessus dans la lutte antiterroriste, car bien mieux enraciné dans l’appareil bureaucratique judiciaro-policier, même si cela ne l’a pas empêché de perdre la bataille pour l’hégémonie culturelle dans l’ensemble de la société. Ceci explique l’enracinement de la catégorie de repentance qui s’est inscrite tout naturellement à la fin des années 1990 dans le nouvel ordre néoconservateur. Catégorie réactionnaire par excellence, elle a été réorientée dans le cadre des visions policières de l’histoire comme usage public de l’histoire. Dans la lignée du reversement initialement proposé par Nolte, en passant par Furet, Goldhagen ou Courtois, cette nouvelle tradition historique fait un très large usage de concepts empruntés au droit pénal […]. La repentance aujourd’hui se charge d’un contenu nouveau, car elle sert à écrire le dernier chapitre du Livre noir du communisme. Dans un contexte italien dominé par les ex post idéologies, les prisonniers politiques et ex-militants de la lutte armée ont une fonction exécutoire, un rôle de bouc émissaire : devenir l’icône du Mal du siècle […]. On pourrait résumer la chose ainsi : les poststaliniens demandent aux post-antistaliniens de se repentir des crimes du stalinisme. C’est du Orwell pur et dur, de la novlangue totale. »

Purification rituelle et repentance : les dérives théologiques du droit pénal sont hélas au diapason des guerres saintes et des croisades du Bien absolu contre le Mal absolu. Elles sont dans l’air du temps, celui d’une désécularisation du monde.

Notes

[1] J’avais publié dans Le Monde de décembre 1991 une tribune réclamant l’abrogation immédiate de cette loi au nom de tous ceux dont la lutte a tracé « un chemin à travers les ténèbres ordinaires de la planète » (John Berger).

Sprigionare la società

Libri – Alain Brossat, Scarcerare la società, Elèuthera 2003

Paolo Persichetti
N° 23 Luglio-Settembre 2005 Hortus Musicus

www.hortusmusicus.com
Sprigionare la scietà

Desincarcerer la société

coverhm23piccolaC’è un solo problema filosofico veramente serio, scriveva Camus: «il suicidio». Dal gennaio 2002 al luglio 2003 nelle carceri italiane si sono verificati 83  suicidi e 25 tentati suicidi, altri 19 detenuti sono morti per cause non chiarite e 9 per overdose. Totale: 136 morti. E chi non si uccide si ammala: al 30 giugno 2003 – secondo una stima avanzata dal Forum nazionale per la tutela della salute dei detenuti e l’applicazione della riforma della medicina penitenziaria (Manifesto11 marzo 2005) – erano rinchiusi 14.507 tossicodipendenti, circa un terzo dell’intera popolazione carceraria. Tra questi, 1.737 in trattamento metadonico e 887 alcoldipendenti. Gli affetti da Hiv erano 1.473 (il 2,6% del totale), 5.000 i sieropositivi, 9.500 quelli colpiti da epatite cronica e 7.500 i reclusi con turbe psichiatriche. Gli istituti di pena sono oramai enormi lazzaretti, ospizi per derelitti, vaste discariche dove viene confinato ogni dolore e malessere sociale, nelle quali si ammassano umiliati e offesi, vite rottamate, sfigati senza speranza. Immigrati e neolumpen alienati dalla società dei consumi che promette quello stesso benessere che li esclude. Veri e propri sedotti e abbandonati dalle chimere di un capitalismo che li ha relegati ai margini.
Nel sistema penitenziario, quelle che con un eufemismo sociologico vengono definite «nuove povertà» ammontano oramai a circa l’80% della popolazione reclusa. Che le prigioni fossero una purulenta sentina della società è stato scritto, detto e ribadito fino alla nausea. Un’ovvietà che suona come una vuota retorica dell’indignazione, non più udibile da chi vi è costretto a trascorrere periodi sempre più lunghi della propria esistenza. La durata della detenzione è aumentata del 50% negli ultimi quindici anni, il tasso di recidiva del 70%. L’area penale è esplosa nel corso del decennio Novanta, la popolazione carceraria è raddoppiata fino a superare le 57 mila unità, a cui vanno sommati quelli che usufruiscono delle misure alternative e scontano la loro pena nel cosiddetto «carcere diffuso» (arresti domiciliari, comunità terapeutiche, affidamento sociale in prova, semilibertà, lavoro esterno), per una somma complessiva che raggiunge le 100 mila persone, in un contesto che vede una media annua di 300 mila condanne penali.
Una parte della popolazione è predestinata a convivere con la reclusione. Guarda caso sempre la stessa: il 30% degli attuali rinchiusi sono stranieri, il 45% proviene dall’Italia meridionale. Il profilo classico è quello del giovane privo d’istruzione e con propensione alla tossicodipendenza. Chi viene dal Sud, non ha titoli di studio, appartiene ai ceti sociali più bassi. Chi arriva dai paesi d’emigrazione, vede aumentare, molto di più che nel passato, la probabilità di finire imprigionato. Il carcere rinvia ad uno degli aspetti più crudi della discriminazione di classe ed il richiamo alla legalità è la macchina ideologica che legittima e riproduce questa dominazione.

Nuove tecnologie della pena
Contrariamente a quanto sancito dall’art.27 della Costituzione, la pena non esercita alcuna funzione rieducativa. Mai auspicio è risultato più risibile. L’ambigua e rachitica normativa varata nei flebili anni dell’ammodernamento penitenziario di marca catto-comunista, la cosiddetta legge Gozzini, è di fatto disapplicata ed elusa. Quella riforma era viziata fin dalle origini da un’insanabile contraddizione interna, poiché l’apertura verso le nuove politiche penitenziarie, mirate al parziale reinserimento e alla ricostruzione sociale del sanzionato, seguì in parallelo il dispiegamento delle politiche differenziali dell’emergenza, trasfigurando il carcere in una sorta di commedia dantesca, dove l’inferno della differenziazione e della specialità sprofondava in gironi spettrali, all’infuori dei quali permanevano limbi, terre di nessuno, zone detentive che presagivano un possibile accesso negli Istituti purgatorio, dove la punizione s’alleviava lasciando intravedere la speranza di salire un domani in paradiso. Una scalata verso la redenzione, possibile solo dopo aver mostrato attiva cooperazione alla propria punizione, attraverso un dispositivo d’interiorizzazione della colpa che ha integrato alle tradizionali discipline di sorveglianza e controllo una nuova tecnologia fondata sull’adesione alla pena da parte del recluso. La politica carceraria non si è più accontentata di una puntigliosa presa in carico dei corpi (prehendere, prisio, prisum), ma ha scoperto «le virtù dell’uso mediatore della parola». Nel corso di alcuni incontri il detenuto è sollecitato a «fare il punto» sulla situazione, sull’evoluzione della percezione che ha dei suoi delitti e dei suoi crimini, sui suoi progetti per l’avvenire. Ad avvalersi di queste nuove strategie trattamentali sono stati quei reclusi in possesso di un maggiore capitale culturale, di una più alta perspicacia nell’uso della parola e di una superiore scaltrezza strategica, che consente loro di destreggiarsi con gli operatori trattamentali (educatori, psicologi, assistenti sociali) e il magistrato di sorveglianza, a scapito degli altri del tutto incapaci e abbandonati a se stessi, doppiamente discriminati da quegli handicap sociali e culturali che ne hanno facilitato prima l’ingresso in carcere e poi la reclusione perpetua, escludendoli una seconda volta con politiche trattamentali inaccessibili.
La successiva involuzione politica intervenuta nel corso del decennio Novanta ha reso questa critica ai balbettii del riformismo carcerario un lusso superfluo. Il sovraffollamento e le nuove politiche repressive hanno spolpato la Gozzini, introducendo nuove e sempre più articolate eccezioni, moltiplicando i «reati ostativi» (quelli inclusi nel 4 bis) per i quali le misure alternative, oltre ad essere ritardate, vengono rese praticamente impossibili. Gli anni dell’oppio giudiziario e della bulimia penale hanno riportato in auge il principio dell’incompressibilità della pena, una nenia che ha cullato le nuove generazioni di giudici di sorveglianza. E così il carcere è tornato a svolgere, anche nei discorsi degli specialisti della correzione, quella cruda funzione sociale per cui era nato.

Il «sentimento d’insicurezza»
Il carcere non redime, la prigione non corregge, serve solo a confinare dietro spesse mura di cinta problemi e contraddizioni che l’ipocrisia collettiva preferisce rimuovere. L’economia del castigo è ormai diventata una «tecnica d’invisibilizzazione dei problemi sociali». Siamo nuovamente di fronte a quell’assunto iniziale duramente combattuto negli anni Settanta: la modernità non ha saputo escogitare altre risposte al delitto diverse dall’internamento. Il carcere è via via emerso come la soluzione più semplice ed economica al disordine sociale diffuso. L’ideologia penitenziaria è così divenuta uno dei pilastri della cultura politica contemporanea che, non riuscendo più a far vivere la speranza, ha fatto della paura e dell’angoscia uno dei suoi repertori più redditizi, nutrendo la psicologia sociale con gli impulsi più bui dell’animo umano, divenuto ostaggio del risentimento e della vendetta. Questa corrente è descritta da Loïc Wacquant (Punir les pauvres. Le nouveau gouvernement de l’insécurité, Agone, Paris 2004). come un groviglio confuso di sentimenti che intrecciano la paura per l’avvenire, l’ossessione per il declino sociale e l’angoscia di non poter trasmettere il proprio status sociale ai figli, a causa di una competizione per titoli e posti sempre più incerta e sfrenata.
Questa insicurezza sociale e mentale, diffusa e multiforme, colpisce direttamente le famiglie delle classi popolari sprovviste del capitale culturale richiesto per accedere ai settori protetti del mercato del lavoro; essa tuttavia investe anche larghi strati delle classi medie, e i nuovi discorsi marziali dei politici e dei media sulla delinquenza la captano e la fissano sulla sola questione dell’insicurezza fisica o della minaccia criminale, ed in effetti più dell’insicurezza domina il «sentimento d’insicurezza», ovvero lo stato d’animo, la percezione sociale del disagio, divenuto uno degli indicatori statistici di maggior rilievo, capace di decidere della carriera di un ministro degli Interni e della Giustizia, o dei vertici delle forze dell’ordine. Trattandosi di una percezione sociale, ovvero di un sentimento, accade che essa sia spesso sprovvista di consistenza reale, ma risulti frutto di correnti irrazionali, di pulsioni orientate, solleticate da chi controlla i media e le fonti della comunicazione. A dominare è l’interpretazione pubblica più forte, il sentimento d’insicurezza più consono ai gruppi sociali che vedono il proprio punto di vista meglio rappresentato e veicolato.
La perdita di posti di lavoro, i licenziamenti, la disoccupazione e la precarizzazione dell’impiego, con i drammi e i disagi sociali ed esistenziali che ne conseguono per famiglie intere, non sono percepiti e assunti come aspetti di un sentimento d’insicurezza collettivo, ma vengono relegati a stati d’animo di ceti sociali specifici, colpevoli di rifiutare condizioni di lavoro che altrimenti permetterebbero di sostenere la concorrenza ed assicurare stabilità sociale e crescita economica. Non si tratta dunque di un’incertezza del futuro derivante da una nuova condizione di precarizzazione sociale, da un modello darwinista di società che dilaga, ma di un’ingiustificata volontà di conservare privilegi e vantaggi. Ecco che questa insicurezza scade a sentimento illegittimo, privo di quella dignità scientifica che gli consentirebbe d’essere rilevato dagli indicatori statistici, introducendo un dato nuovo nell’agenda politica. A suscitare allarme sono altri fenomeni, come le rapine selvagge nei villini del Nord-Est, gli attacchi nelle gioiellerie o nelle stazioni di benzina con pistole giocattolo, le rapine in banca con i taglierini. Accade così che il sentimento d’insicurezza, misurato unicamente su parametri di questa natura, risulti più elevato nelle zone urbane agiate, dove le infrazioni sono quasi inesistenti.
Appunto perché di sentimento si tratta, non d’insicurezza vera. Ma una volta propagato dai media, esso arriva a produrre un paradossale aumento dell’indice d’inquietudine persino nelle massaie dei quartieri popolari, non più preoccupate di tornare dal mercato con la busta della spesa vuota, ma di subire fantomatici assalti nelle cucine delle loro case popolari.

Da un regime di sensibilità all’altro
Si sente la perdita di un pensiero forte che sappia nuovamente rompere questa spirale, che sottoponga ad una critica spietata l’ideologia penale e rilanci un nuovo progetto politico capace d’affermare un modello di società dove l’idea della penalità non trovi più posto. «La questione non è sapere cosa fare del carcere, come migliorarlo, oppure come adeguare l’ordine penitenziario alle norme generali dello Stato di diritto, si tratta invece di domandarsi come sbarazzarsene e al più presto, perché è evidente che saremo senza dubbio considerati con repulsione e disprezzo dalle generazioni future», è quanto ci invita a fare il filosofo Alain Brossat nel suo stringato libretto, Pour en finir avec la prison, apparso in Francia nel 2002 e pubblicato nel 2003 in Italia da da Elèuthera col titolo Scarcerare la società.
L’invito a rimettere in discussione eredità di pensiero, abitudini filosofiche che pensavamo intoccabili, solleva questioni scomode e spigolose, ma forse è proprio da un diverso sguardo dei fondamenti che occorre ripartire. Ripercorrendo la genealogia della penalità, Brossat avanza una disincantata lettura dell’Illuminismo che nell’ambito del sistema delle pene si presenta con un decisivo momento di passaggio da un regime di sensibilità all’altro. Rielaborando la tesi di Norbert Elias sulla domesticazione della violenza, egli nota l’emergere di un’iperestesia sociale, ovvero l’apparizione di un «soggetto ipersensibile della nostra modernità» che non sopporta in primo luogo la propria sofferenza di fronte allo spettacolo della brutalità estrema e della crudeltà. Ciò spiegherebbe l’avvento di una sensibilità umana egocentrica più che altruista. Analisi che ci offre nuovi strumenti per comprendere meglio, per esempio, quella cosmesi linguistica che ha camuffato l’essenza di alcuni dei conflitti bellici degli ultimi anni. La «guerra etica» di Tony Blair, le ingerenze umanitarie armate, le operazioni di polizia internazionale, le occupazioni militari camuffate sotto formule come «peace making» e «peace keeping», le «bombe intelligenti», i bombardamenti «chirurgici», gli «effetti collaterali», il mito della «guerra pulita a costo zero», sono parte di un innovativo dizionario che intercetta l’inorridita sensibilità occidentale. Il paradosso di questa moderna impressionabilità sta nella presenza di un sentimento d’orrore che non mette fine alla violenza ma s’accontenta unicamente di renderla invisibile, e ciò non vale solo per le azioni ma ancor di più per il pensiero. Si è imposta insomma una paradossale indignazione selettiva che in materia penale, mostrando avversione per l’esplicita violenza dei supplizi, trae sollievo dall’internamento dei corpi sottratti alla vista, in questo modo votati all’oblio e «presto privati della pietà».

La messa in scena del supplizio
Più che celebrare una «litania del progresso», Michel Foucault, rintracciando le diverse tappe dei castighi e delle pene, dei supplizi e delle prigioni, mirava a mostrare come nella punizione fosse insita una «funzione sociale complessa» che oltrepassa il semplice ruolo repressivo. Non solo problema giuridico, dunque, conseguenza dell’applicazione del diritto, ma anche fatto pienamente politico. L’economia del castigo, secondo l’autore di Sorvegliare e punire, appartiene a quel vasto campo in cui intervengono le procedure di potere. I supplizi dell’ancien régime, più che ristabilire la giustizia, riparare un danno, avevano la funzione di riattivare il potere offrendo al popolo lo spettacolo della sofferenza. Il supplizio di Damiens, «il regicida», è uno degli esempi storici di cui ci è pervenuta traccia. Così descrive la vicenda Monsieur Alexandre André le Breton, greffier criminel du Parlement, ossia cancelliere penale della suprema corte giudiziaria, nel Précis historique annesso ai quattro volumi delle pièces originales et procedures du proces fait à Robert-François Damiens: correva l’anno 1757 e Parigi era traversata da una delle solite faide fra corona e vertici del potere togato. Mercoledì 5 gennaio, al buio, qualcuno «in fondo alle scale, presso la volta», ha sfiorato il re alla quinta costola, con un coltello; il danno è minimo, paragonabile alla puntura d’uno spillo, ma sul santo corpo del sovrano l’offesa diventa enorme. L’attentatore è Robert-François Damiens, disoccupato, già domestico in varie case, con discrete referenze e qualche anomalia. I precedenti segnalano un frenetico taciturno, curioso «frondeur» elucubrante, che parla da solo; consapevole «dell’effervescenza del suo sangue», cercava sollievo in abbondanti salassi. Parlando dell’imputato, Le Breton coniuga i verbi all’imperfetto perché «le scelerat» non appartiene più a questo mondo. Ha reso l’anima a Dio, lunedì 28 marzo, a «place de la Grève» (l’attuale place de l’Hotel de Ville), dopo un lunghissimo supplizio tecnicamente difettoso, come pare accada spesso ai pazienti condannati alla «peine d’être tirés à quattre chevaux». Non bastava la trazione dei cavalli a squartarlo, né vi sarebbero riusciti se, dopo un consulto medico, l’équipe patibolare, impugnati i coltelli, non avesse reciso qualche tendine. «Poiché accade d’ordinario che i tendini e i legamenti resistono e non cedono affatto, malgrado gli sforzi dei quattro cavalli, e anche nel caso d’un numero più grande, alla fine occorre recidere i legamenti alla giuntura delle ossa»; solo allora «i cavalli riescono a strappare via ciascuno un arto». Il supplizio durò soltanto «deux heures, lui vivant». L’arnese impiegato per l’aggressione non era idoneo a procurare ferite mortali. Scrive Franco Cordero, dal cui manuale di Procedura Penale abbiamo tratto queste citazioni: «Tra i fannulloni che frequentavano corridoi e aule giudiziarie del Palais, Damiens era diventato un fan dei signori in toga, campioni delle cosiddette “libertà gallicane”, insidiate dalla politica ministeriale; non ha complici e tanto meno mandanti, ma i Monsieurs (il cui consesso, in tali occasioni, include princes du sang e alti dignitari), indirettamente chiamati in causa, purgano i sospetti con una sentenza memorabile».

L’occultamento della pena e lo spettacolo del processo
A partire dal 18° secolo, declinata la religione della confessione ed emersa la laica fiducia nella prova, la reclusione sostituisce torture, mutilazioni, supplizi esemplari. Desacralizzata la giustizia, disincantata la procedura penale, scomparsi i delitti immaginari, raddrizzare e correggere, prima ancora di punire, diventano le parole d’ordine dell’illuminismo penale e del riformismo giudiziario. Le teorie del contratto sociale non concepiscono più il crimine come un attentato al corpo mistico del sovrano ma come una rottura del patto sociale. L’entità della punizione deve apparire allora commisurata all’infrazione commessa e soprattutto essere certa, perché possa esercitare un effetto dissuasivo.
Questa trasformazione conduce all’occultamento della punizione, alla cancellazione dello spettacolo punitivo. Il cerimoniale della pena entra nell’ombra, per diventare un’oscura pratica amministrativa, sostituita dalla pubblicità dirompente del processo e della sentenza, momenti in precedenza segreti. Il capovolgimento è radicale. Processo e condanna, prima ancora della pena, diventano lo stigma negativo che deve marcare il delinquente. L’esecuzione della sanzione sembra quasi un’ignominia supplementare che la giustizia ha vergogna di mostrare. Se ne tiene a distanza. La pena fuoriesce dal campo delle percezioni quotidiane per entrare in una dimensione astratta, sconosciuta, immaginata, non vista. L’efficacia è demandata alla sua ineluttabile fatalità, non più alla sua intensità percettibile. La certezza d’essere punito e non l’abominevole teatro, la «scène dégoûtante», viene a rappresentarne il monito. Il corpo non è più esposto ma interminabilmente recluso. «L’impressionabilità non è più legata all’effimera intensità del supplizio, alla sua illusoria esemplarità, ma fondata sulla durata». Ciò consente alla giustizia di non assumere più pubblicamente la parte di violenza che è insita nel suo esercizio. La punizione non appare più come tale perché le nuove tecniche mirano a rimettere in riga il deviante. Ma dietro la pretesa di «guarire», si rimuove in realtà l’aspetto più concreto dell’espiazione, ovvero il castigo.

L’apologetica carceraria
Nasce così un nuovo genere: l’apologetica carceraria, un edificante progetto votato al reinserimento della parte deviante della società. Con Beccaria e Bentham si dispiega un processo di razionalizzazione delle dottrine come dell’architettura punitiva non più fondato sulla degradazione dei corpi ma sulla correzione delle menti. «Non il terribile ma passeggero spettacolo della morte di uno scellerato ma il lungo e stentato esempio di un uomo privo di libertà, che, divenuto bestia di servigio, ricompensa colle sue fatiche quella società che ha offesa, che è il freno più forte contro i delitti»: è la citazione di un passaggio da Dei delitti e delle pene, che Brossat propone, notando come la filosofia penale illuminista inventi con la prigione una nuova fabbrica dell’inumano che viene a sostituirsi ai mattatoi del tormento, definendo il passaggio dal regime del supplizio sui corpi a quello del loro abbandono, dalla crudeltà all’insensibilità. Ma già un vecchio padre del liberalismo moderno, Benjamin Constant, metteva in guardia contro l’illusione umanitaria: «le punizioni che si sono volute sostituire alla pena di morte non sono che questa pena inflitta con minuzia, quasi sempre in maniera più lenta e dolorosa». Sparisce il boia ma aumentano i carcerieri. Finalmente nel carcere dell’Occidente moderno e opulento i detenuti non sperimentano più fame e stenti; al contrario deprimono, marciscono, si svuotano, s’immiseriscono, si suicidano appunto. Fanno della vita stessa una malattia. L’istituzione penitenziaria non uccide quasi più di propria mano, lascia uccidersi, mentre col dilagare del liberismo economico, dopo il decennio Ottanta, il numero degli incarcerati ha cominciato ad aumentare a dismisura, e le pene a lievitare senza freno. Il numero dei reati è cresciuto perché si è allargata la rosa dei comportamenti sanzionati. Il carcere si è riproposto come un’istituzione criminogena, una fabbrica della devianza che sottende la paranoica idea di una società in libertà condizionale.

Il paradigma vittimario
A questo punto Brossat segnala un’ulteriore configurazione della sensibilità, investita dal sopraggiungere del paradigma vittimario. Un processo di sostanziale neutralizzazione e depoliticizzazione della figura della vittima che, divenuta un’icona della martirologia statale, cancella «perdenti e vinti della storia». Dietro ciò emerge una nuova opinione umanitaria che, capovolgendo i presupposti della critica illuminista (circolazione libera delle idee in uno spazio pubblico autonomo dalla sfera statale e religiosa), si concepisce come baluardo avanzato della legge e dell’ordine invocando una nuova forma d’intolleranza. Ecco che senza più remore ed ipocrisie si torna ad affermare l’obiettivo unicamente afflittivo della pena. Proprio come riconosceva più di un secolo fa il sociologo Emile Durkheim: «la pena è rimasta un’opera di vendetta. Si dice che non facciamo soffrire il colpevole solo per farlo soffrire. Non è meno vero tuttavia che troviamo giusto che egli soffra», per questo non mancava di prescrivere che «la condizione penitenziaria deve essere più draconiana di quella dell’uomo libero più indigente».

La retribuzione simbolica
Il carcere non cambia. Resta il luogo in cui lo Stato regola con freddezza i suoi conti con le classi pericolose, in cui mostra senza emozioni né debolezze chi comanda, ricordando ai vinti quanto costa continuare a pretendere d’ignorare le regole del gioco. Questa sua essenza politica suggerisce allora di cambiare la nostra prospettiva d’osservazione e non guardare più alla prigione soltanto dal punto di vista dell’«opinione umanitaria», sulla base d’un approccio compassionevole che riversa la sua critica unicamente sulla sofferenza del detenuto, ma osservando il carcere come manifestazione della violenza dello Stato, luogo dell’eccezione sovrana. Esso svolge una decisiva funzione politica poiché riunisce la comunità contro colui che ha infranto le regole. La reclusione dunque rinforza il legame sociale, prepara la sicurezza futura. Ogni pena inflitta inscena una retribuzione, una restaurazione, rivestendo una funzione lenitiva per la coscienza collettiva colpita dal crimine. Non c’è riformismo penitenziario che abbia realmente insidiato questa filosofia. Allora di fronte all’abissale fallimento dell’umanesimo penale, Brossat invita a rigettare definitivamente l’inganno fondativo del carcere. La prigione non serve e la speranza che il diritto vi faccia un ingresso pieno e maturo – conclude – non ci condurrà comunque nell’era del «dopo carcere», ma solo in quella di un diritto incarcerato. Per l’intanto non è lo stato di diritto che si estende nelle prigioni ma il modello carcerale che avanza nella società, come i centri di permanenza temporanea e le nuove strutture di detenzione attenuata dimostrano.

Incarcerare il diritto o abolire il carcere?

Pensare che «per eliminare lo scandalo delle carceri sia sufficiente adeguare il loro regime interno alle norme generali dello Stato di diritto», pensare che sia sufficiente garantire il sia pur fondamentale livello minimo d’integrità e immunità della persona detenuta, per ritenere la prigione uno spazio finalmente «umanizzato» e giuridicamente corretto, oltre a rinviare ad una concezione puramente passiva dei diritti, intesi unicamente come pura tutela della persona, al pari di un organismo vegetale, muto e sprovvisto di pensiero proprio (come la flora tutelata dagli ambientalisti), mostra l’incomprensione assoluta degli effetti dell’internamento. L’ingresso in carcere provoca una degradazione giuridico-politica dell’internato, ridotto a semplice corpo. «La detenzione è la prova più radicale che ci sia di non appartenenza alla comunità civile». Il detenuto è privo di «diritti soggettivi», può rispondere con sfacciata sicumera, e tanto di timbro dell’amministrazione in calce, il vicedirettore di un istituto di pena ad un detenuto che gli chiede su quali fondamenti giuridici poggi il trattamento penitenziario che gli è riservato. Una condizione che rinvia a quella dell’ostracizzato, del bandito, dell’esiliato interno. È impensabile immaginare l’esercizio delle libertà politiche all’interno di un sistema disciplinare che considera la sanzione consustanziale, non solo alla privazione della libertà fisica, alla riduzione brutale delle possibilità di movimento, al «disciplinamento» dei corpi, al controllo dei sentimenti, delle emozioni, degli affetti, alla privazione di alcune funzioni essenziali della vita umana, ma anche al diritto di riunione e discussione.
Luogo concentrazionario per eccellenza, la prigione non prevede l’esistenza di uno «spazio pubblico» interno alla cinta muraria. Le sezioni sono strettamente separate tra loro, le celle restano chiuse per l’intera giornata, fatta eccezione per alcuni tipi d’istituti di pena. Non c’è libera circolazione, i soli luoghi d’incontro restano i passeggi durante le ore d’aria, le palestre (negli istituti che ne sono provvisti), le eventuali attività trattamentali, i luoghi di culto. La comunicazione sceglie allora flussi sotterranei, segue traiettorie carsiche, s’inabissa lungo percorsi discreti e riservati che cercano d’evitare gli occhi dell’amministrazione, servendosi dell’antico savoir-faire degli schiavi. In sostanza, l’ipotesi di una «vita attiva», per usare un’espressione arendtiana, o in altri termini, l’esercizio della cittadinanza, all’interno della quale l’individuo detenuto si trovi ad essere concepito anche come essere pensante, capace di produrre attività relazionali di tipo sociale, politico e culturale, non è in alcun momento preso in considerazione, anzi se possibile è osteggiato. Se la comunicazione tra detenuti non è formalmente vietata, salvo espliciti provvedimenti dell’autorità giudiziaria, l’intera macchina penitenziaria è costruita per impedirla, intercettarla, sopprimerla.
Quale può essere allora la via di fuga dall’ideologia penitenziaria? Sprigionare la società, vorremmo sentir rispondere. Ma quanti sono pronti a segare le sbarre che imprigionano la loro coscienza?

(Carcere di Mammagialla, 23 maggio 2005)


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Alain Brossat, curare e punire

La legge francese sull’ “internamento di sicurezza”

Alain Brossat
Liberazione
(supplemento Queer) 13 luglio 2008

323-queer-13-07-08

La legge Dati, adottata dal Parlamento francese il 25 febbraio 2008, ha introdotto per i reati a sfondo sessuale l’internamento di sicurezza per una durata indefinita in luoghi annessi ai penitenziari, veri e propri “ospedali-prigione”, una volta terminata la pena. Questa nuova disposizione si pone al di fuori del principio di proporzionalità tra delitto e sanzione tradizionalmente sancito dal diritto penale. In questo modo la pena non è più legata all’infrazione contestata ma alla personalità dell’incriminato, ritenuto un pericolo costante per la società. Il criterio ispiratore di questa nuova legge sovrappone pericolosamente logiche e dinamiche molto diverse, creando una indistinzione tra l’approccio medico e quello penale. Riemerge così in tutto il suo splendore la figura dell’irrecuperabile (in questo caso doppiamente perché incurabile). Questi “malati” hanno in genere scontato lunghissime condanne (il dispositivo si riferisce a pene di quindici anni e più), durante le quali hanno avuto accesso soltanto a cure episodiche, inadatte, o addirittura a nessun tipo di cura. Dei malati gravi, così malati che un obbligo di cura può essere loro imposto vita natural durante, ma che saranno trattati al tempo stesso alla stregua di ipercriminali, di mostri. Questa nuova modalità legislativa segna anche il ritorno al modello delle lettres de cachet; le lettere sigillate con un timbro della casa reale che contenevano decisioni arbitrarie e inappellabili emesse dal sovrano, come ad esempio la condanna alla detenzione in prigioni e ospedali, o l’espulsione nelle colonie senza possibilità di processo o di appello. Sotto il segno di questa indistinzione appare, in realtà, un nuovo paradigma, quello del curare e punire. Dove il curare rischia fortemente di restare in questo caso un puro e semplice alibi per un nuovo giro di vite repressivo. Non per niente, infatti, il Sindacato della magistratura ha parlato a proposito di questa legge di «logica d’eliminazione». È risaputo che la nozione di rischio appartiene tanto all’arsenale discorsivo poliziesco quanto a quello medico. Se il primo parte dall’idea che certe categorie sociali ed etniche, certe topografie presentino maggiori rischi in termini di sicurezza o di criminalità, il secondo si concentra sui rischi sanitari legati alle epidemie, alle condizioni ambientali, alle categorie d’età. Il fantasma sicuritario, inteso come fantasma medico-poliziesco, consiste dunque nella eliminazione del rischio. Ma come ha osservato uno psichiatra nel contesto della discussione sulla legge Dati: «il rischio zero non esiste, o allora, bisognerebbe rinchiudere il 40% della popolazione». Ritroviamo qui le molteplici poste in gioco che un governo generale delle condotte può sfruttare a partire da teorie del rischio e discorsi di esperti, sociologi e altri, che vengono a concentrarsi attorno alla nozione di “società del rischio”. Quando il progetto di legge è stato discusso in parlamento, il suo relatore ha fatto aggiungere all’ultimo momento un emendamento che allarga il suo campo d’applicazione a ogni altra persona che sia stata condannata a una pena superiore ai quindici anni di carcere! Dunque, non più soltanto i “pedofili che rifiutano di curarsi”, come si pretendeva inizialmente ma anche gli autori di atti criminali di qualsiasi tipo, anche se non si capisce come questi ultimi possano essere considerati dei malati da sottoporre a un obbligo di cura. L’alibi medico viene così a cadere. Il pedofilo rappresenta, in realtà, una delle principali piaghe destinate a giustificare la sperimentazione di dispositivi che entrano nel quadro di ciò che possiamo chiamare l’eccezione furtiva. Il dispiegamento camuffato di un modello d’emergenza permanente. La nozione di “difesa sociale” – che implica la necessità di istituzioni e dispositivi volti ad allontanare i criminali “irrecuperabili” in modo più o meno permanente – è sempre esistita nelle società moderne occidentali. In Francia, ad esempio, era alla base della legge del 27 maggio 1885 che organizzava la lotta contro la recidiva per mezzo dell’internamento perpetuo dei multirecidivi nelle colonie. È del tutto evidente che un tale dispositivo non deve nulla alla medicina, o allora, con un gioco di parole, si tratta di una sorta di profilassi del crimine che prende in prestito alla medicina soltanto certi elementi morfologici molto generali. Gradualmente si è prodotto dunque uno spostamento di significato: il potere-sapere medico viene incluso in quest’ultima creazione della “difesa sociale”, il piccolo macchinario dei centri socio-medico-giudiziari di sicurezza. È apparso anche, in occasione della discussione di questa legge, il concetto di “pedo-criminali”. Questo neologismo richiama la nostra attenzione su due cose. In primo luogo la promozione del pedofilo al posto che occupava il parricida nella società di ancien régime, il vertice della piramide nella gerarchia dei mostri criminali. Ma soprattutto la fascinazione crescente che sembra esercitare nelle nostre società la delinquenza sessuale di ogni specie (stupro, molestia…). Perché tutto ciò?
Forse una risposta la si può ricavare dal fatto che tali tematiche rendono possibili nuove operazioni di concatenazione discorsiva tra gli enunciati sull’ordine e quelli sulla salute. Quest’ipotesi rimarrebbe forse in sospeso se non la si completasse con un’altra osservazione: il sesso che fascina e seduce, che richiede di essere simultaneamente sanzionato e medicalizzato, è il sesso colpevole, il sesso sregolato, il sesso patologico. La fascinazione moderna per il sesso, il sesso che parla si associa qui a quella esercitata dalla punizione. Una forma di punizione aggravata che ritrova in parte il prestigio degli antichi supplizi (la pena infinita al posto del taglio dei corpi). Come sappiamo, un desiderio immenso di punire attraversa attualmente le nostre società attraverso tutte le loro istituzioni – scuola, giustizia, polizia, impresa, ecc. Laddove questo desiderio di punire incontra il sesso si producono quelle che potremmo chiamare delle schegge accecanti di micro-fascismo. D’altra parte, viene confermato il tendenziale ritorno a modelli di reclusione e a politiche dell’esclusione, nel senso in cui questo termine viene utilizzato da Foucault in Storia della Follia: un movimento che riguarda categorie di persone sempre più disparate. Psicotici che si ritrovano in prigione, bambini disadattati, sans papiers, delinquenti sessuali e altre categorie stigmatizzate.
Per quel che riguarda la psichiatria e la sua implicazione volente o nolente in questo processo, sembra di assistere a uno sfilacciamento parziale di quel che era avvenuto con il passaggio dal “regime chiuso” dell’asilo al “regime aperto” o semi-aperto dell’ospedale psichiatrico e la sua multifunzionalità. Tutta la questione consiste nel comprendere come tali movimenti regressivi possano rendersi compatibili con la dinamica generale della medicalizzazione della società e della vita.
In nome della difesa degli uni, cioè del corpo “sano” della popolazione, dei “normali”, si tratterà di pronunciare un certo numero di decreti d’esclusione e di ostracismo contro gli altri. Sembra così che la medicalizzazione possa andare di pari passo con qualcosa di più che l’aumento della repressione: il ritorno alla vecchia operazione di divisione che consiste nell’escludere il folle tramite reclusione e lo straniero indesiderabile tramite proscrizione ed espulsione. La medicalizzazione può perfettamente accompagnare il ritorno o la perpetuazione di violenze estreme: tortura medicalizzata e pena di morte indolore negli Stati Uniti, pena perpetua in Europa.

(Traduzione a cura di Chiara Bonfiglioli)

Alain Brossat ha pubblicato in Italia per Eleuthèra
Sprigionare la società 2003

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Pour en finir avec la prison

Livre – Alain Brossat, Pour en finir avec la prison, La Fabrique Paris 2002

Paolo Persichetti

Il n’est qu’un problème philosophique qui soit vraiment sérieux, écrivait Camus : «le suicide». coverhm23piccola1De janvier 2002 à juillet 2003, on a compté 83 suicides et 25 tentatives de suicides dans les prisons italiennes, 19 détenus sont morts de causes non-éclaircies et 9 d’overdoses. Total : 136 morts. Et qui ne se suicide pas s’esquinte : au 30 juin 2003 – selon une estimation avancée par le Forum national pour la tutelle de la santé des détenus et l’application de la réforme de la médecine pénitentiaire (Manifesto, 11 mars 2005) – étaient enfermés 14 507 toxicomanes, soit près d’un tiers de la population carcérale totale. Entre lesquels 1 737 en traitement méthadonique et 887 alcoolodépendants. Les affectés par le Hiv étaient 1 473 ( 2,6% du total), 5 000 les séropositifs, 9 500 ceux touchés par une hépatite chronique et 7 500 les reclus avec troubles psychiatriques.

Les établissements de peine sont désormais d’énormes lazarets, des hospices pour abandonnés, vastes décharges où sont confinés toutes sortes de douleurs et mal-être sociaux, parmi lesquels s’amassent humiliés et offensés, vies mises au rancart, malchanceux sans espoir, immigrés et neolumpen, aliénés par la même société de consommation qui leur promet le bien-être et les en exclut. Aussi vrais que vraiment séduits par les chimères d’un capitalisme qui les a relégués aux marges. Dans le système pénitentiaire, ceux qui, par euphémisme sociologique, en viennent à être définis sous le vocable “nouvelle pauvreté” atteignent désormais 80% de la population carcérale. Que les prisons aient été un révélateur purulent de l’état de la société a été écrit, dit et répété jusqu’à la nausée. Une évidence qui résonne comme une rhétorique vide de l’indignation, inaudible pour qui se voit contraint d’y traverser des périodes chaque fois plus longues de sa propre existence. La durée de la détention a augmenté de 50% au cours des quinze dernières années, le taux de récidive de 70%. La sphère pénale a explosé au cours des années 90, la population carcérale a redoublé jusqu’à dépasser les 57 miles, auxquels vont s’ajouter ceux qui “tirent usufruit” des mesures alternatives et dont la peine est de l’ordre de la dite “prison diffuse” (arrêts domiciliaires, communautés thérapeutiques, preuves d’assiduité sociale, semi-liberté, travaux d’intérêts généraux), atteignant le nombre approximatif de 100 miles personnes, dans un contexte qui connaît une moyenne annuelle de 300 000 condamnations pénales.
Une partie de la population pénale est prédestinée à frayer avec la réclusion. L’examen de son cas est toujours le même: 30% des actuels incarcérés sont étrangers, 45% proviennent de l’Italie méridionale. Le profil classique est celui du jeune dépourvu d’instruction et à propension à la toxicomanie. Qui vient du Sud, n’a pas de diplôme, appartient aux milieux sociaux les plus bas. Qui arrive de pays d’émigration voit augmenter, beaucoup plus que par le passé, la probabilité de finir en prison. La prison renvoie à un des aspects les plus crus de la discrimination de classe et le recours à la légalité est la machine idéologique qui légitime et reproduit cette domination.

Nouvelles technologies de la peine
Contrairement à telle sanction de l’art. 27 de la Constitution, la peine ne promeut aucune fonction rééducative. Jamais auspice ne s’est révélé plus ridicule. L’ambiguë et rachitique publication normative des années fébriles de la modernisation pénitentiaire de label catho-communiste, la bien-nommée loi Gozzini, est inappliquée et éludée dans les faits. Une telle réforme était viciée dès les origines par une contradiction interne irrémédiable, puisque l’ouverture aux nouvelles politiques pénitentiaires, regardant à la réinsertion partielle et à la reconstruction sociale du sanctionné, suivit en parallèle le déploiement des politiques différentielles de l’émergence, transfigurant la prison en une sorte de comédie dantesque, où l’Enfer de la différenciation et de la spécialisation s’approfondissait en cercles spectraux, en dehors desquels demeuraient limbes, les friches, les zones de détention qui présageaient un accès possible dans les établissements de purge des peines, où la punition s’allège en laissant entrevoir l’espérance de sortir un jour prochain vers le Paradis. Une escalade vers la rédemption, possible seulement après avoir fait montre d’une active coopération à la punition même, à travers un dispositif d’intériorisation de la faute qui a intégré aux traditionnelles disciplines de surveillance et de contrôle une nouvelle technologie fondée sur l’adhésion à la peine de la part du reclus.
La politique carcérale ne s’est plus contentée d’une pointilleuse prise en charge des corps ( en latin : le verbe prehendere, donne prisio au génitif, et prisum au participe passé) mais a découvert “les vertus de l’usage médiant de la parole”. Au cours de quelques rencontres le détenu est sollicité pour “faire le point” sur la situation, sur l’évolution de la perception qu’il a de ses délits et de ses crimes, sur ses projets pour l’avenir. Ce sont les reclus possédant un capital culturel plus grand, d’une plus haute perspicacité dans l’usage de la parole et une habileté stratégique plus grande qui ont profité de ces nouvelles stratégies de traitement, qui consentent à manœuvrer avec les travailleurs sociaux (éducateurs, psychologues, assistants sociaux) et le magistrat d’application des peines/de surveillance, au détriment des autres de la masse, incapables et abandonnés à eux-mêmes, doublement discriminés par ces handicaps sociaux et culturels qui ne les ont pas aidés avant l’entrée en prison en les excluant une seconde fois, après, vers la réclusion perpétuelle, par le fait de ces politiques de traitements inapplicables.
L’involution politique qui s’ensuivit telle qu’elle intervint au cours de la décennie 90 a fait un luxe superflu celle de la critique des balbutiements du réformisme carcéral. Le surpeuplement et les nouvelles politiques répressives ont décharné la loi Gozzini, en introduisant de nouvelles et toujours plus d’exceptions articulées, en multipliant les “criminels ostensifs” ( inclus dans le 4 bis) pour lesquels les mesures alternatives, outre être obsolètes, en viennent à être rendues pratiquement impossibles. Les années de l’opium judiciaire et de la boulimie pénale ont remis en lice le principe de l’incompressibilité de la peine, une rengaine qui a bercé les nouvelles générations de juges d’application des peines. C’est ainsi que la prison en est revenue à défaire, y compris dans les discours des spécialistes de la correctionnelle, cette fonction sociale crue pour laquelle elle était née.

Le “sentiment d’insécurité “
la prison ne rachète pas, la prison ne corrige pas, elle sert seulement à confiner derrière d’épaisses murailles d’enceinte, problèmes et contradictions, que l’hypocrisie collective préfère déranger. L’économie du châtiment/punition est désormais devenue une ” technique d’invisibilisation des problèmes sociaux”. Nous nous trouvons de nouveau face à ce postulat initial, durement combattu dans les années 60 : la modernité n’a pas su penser d’autres réponses au délit, alternatives à l’internement. La prison est apparue, bon an, mal an, comme la solution la plus simple et plus économique au désordre social diffus.
L’idéologie pénitentiaire est ainsi devenue un des piliers de la culture politique contemporaine qui, en ne parvenant plus à faire vivre l’espérance, a fait de la peur et de l’angoisse un de ses répertoires les plus fructueux, en nourrissant la psychologie sociale avec les impulsions les plus troubles de l’âme humaine, devenue otage du ressentiment et de la vengeance. Ce courant est décrit par Loïc Wacquant (Punir les pauvres. Le nouveau gouvernement de l’insécurité, Agone, Paris 2004), comme un enchevêtrement confus de sentiments qui mêlent la peur de l’avenir, l’obsession pour le déclin social et l’angoisse de ne pas pouvoir transmettre son propre statut social aux fil(le)s, à cause d’une compétition pour les titres et les postes toujours plus incertaine et effrenée.
Cette insécurité sociale et mentale, diffuse et multiforme, frappe directement les familles des classes populaires pourvues du capital culturel requis pour accéder aux secteurs protégés du marché du travail; celle-ci investit aussi de larges secteurs des classes moyennes, et les nouveaux discours martiaux des politiques et des médias sur la délinquance la captent et la fixent sur la seule question de l’insécurité physique ou de la menace criminelle, et en effet supplémentaire de l’insécurité, domine le “sentiment d’insécurité”, ou bien l’état d’âme, la perception sociale du malaise, devenu un des indicateurs statistiques de grande fiabilité, capable de décider de la carrière d’un ministre de l’Intérieur ou de la Justice, ou de sommets des forces de l’Ordre.
En s’essayant à une perception sociale, ou peut-être à un sentiment, advient qu’elle soit spécifiquement dépourvue de consistance réelle, mais issu du fruit de courants irrationnels, de pulsions orientées, sollicitées par qui contrôle les médias et les sources de la communication. Domine alors l’interprétation publique la plus forte, le sentiment d’insécurité le plus conforme aux groupes sociaux qui voient leur propre point de vue mieux représenté et véhiculé. La perte des postes de travail , les licenciements, le chômage et la précarisation de l’emploi, avec les drames et les malaises sociaux et existentiels qui atteignent des familles entières, ne sont pas perçus et pris en charge comme aspect d’un sentiment d’insécurité collective, mais viennent relégués aux états d’âme de sphères sociales précises, coupables de réfuter les conditions de travail, qui autrement permettraient de soutenir la concurrence et assurer stabilité sociale et croissance économique . Il ne s’agit donc pas d’une incertitude quant au furur dérivant d’une nouvelle condition de précarisation sociale, d’un modèle darwiniste de société qui se répand, mais d’une volonté injustifiée de conserver les privilèges et les avantages.
De telle sorte que cette insécurité s’avilit en sentiment illégitime, privé de cette dignité scientifique qui lui concèderait bien d’être repris par les indicateurs statistiques, en introduisant un objectif nouveau dans l’agenda politique. D’autres phénomènes suscitent l’alarme, comme les pillages sauvages dans les villes pavillonnaires du Nord-Est, les attaques de bijouteries ou de stations d’essence avec des revolvers en plastique, les hold-up de banques à la cisaille. Il arrive ainsi que le sentiment d’insécurité, mesuré uniquement sur les paramètres de cette nature, ressorte plus élevé dans les zones urbaines aisées, où les infractions sont quasi inexistantes. C’est précisément pourquoi il s’agit de sentiment, et non pas d’insécurité vraiment. Mais une fois propagé par les médias, cela parvient à produire une paradoxale augmentation de l’indice d’inquiétude jusque dans les foules des quartiers populaires, non plus préoccupées de revenir du marché le cabas decourses vide, mais de subir d’hypothètiques assauts dans les cuisines de leurs habitats populaires.

D’un régime de sensibilité à l’autre
Est sensible la perte d’une pensée forte qui sache de nouveau rompre une telle spirale, qui soumette à une critique explicite l’idéologie pénale et relanceun nouveau projet politique capable d’affirmer un type de société où l’idée de la pénalisation ne trouve plus place. “La question n’et pas de savoir quoi faire de la prison, comment l’améliorer, ou peut-être comment adapter l’ordre pénitentiaire aux normes générales de l’État de Droit, il s’agit au contraire de se demander comment s’en débarrasser et ce, au plus vite, parce qu’et évident que nous serons sans doute considéré avec répulsion et mépris par les générations futures”, c’est autant que nous invite à le faire le philosophe Alain Brossat dans son livre concis, Pour en finir avec la prison, 2002. L’invite à remettre en discussion hérédité de la pensée, habitudes philosophiques que nous pensions intouchables, soulève des questions inconfortables et épineuses, mais peut-être c’est précisément d’un regard différent sur les/des fondamentaux qu’il convient de repartir. En reparcourant la généalogie du pénal, Brossat présente une lecture désenchantée de l’Illuminisme qui, dans le domaine du système des peines s’avance dans un moment décisif de passage d’un régime de sensibilité à l’autre. En réélaborant la thèse de Norbert Elias sur la domestication de la violence, il y note l’émergence d’une hyperesthèsie sociale, ou encore l’apparition d’un “sujet hypersensible de notre modernité” qui ne supporte pas, pour commencer, la souffrance même face au spectacle de la brutalité extrême et de la cruauté. Ce qui expliquerait bien l’avènement d’une sensibilité humaine égocentrique plus qu’altruiste.
Analyses qui nous offrent de nouveaux outils pour mieux comprendre, par exemple, cette cosmétique linguistique qui a camouflé l’essence de quelques-uns des conflits guerriers des dernières années. La “guerre éthique” de Tony Blair, les ingérences humanitaires armées, les opérations de police internationales, les occupations militaires déguisées sous la formule de “peace making” et “peace keeping”, les “bombes intelligentes”, les bombardements “chirurgicaux”, les “effets colatéraux”, le mythe de la “guerre propre au coût zéro”, font partie d’un dictionnaire novateur qui intercepte l’ineffroyable sensibilité occidentale. Le paradoxe de cette moderne impressionabilité réside dans la présence d’un sentiment d’horreur qui ne vient pas à bout de la violence, pour ne se contenter que de la rendre invisible, et cela n’est pas seulement valable pour les actes commis, mais a fortiori pour la pensée. S’est imposée en somme une sélective indignation paradoxale qui, en matière pénale, en montrant de l’aversion pour la violence explicite des supplices, entraîne la révolte devant l’internement des corps soustraits à la vue, de cette façon vouée à l’oubli et “vite privés de la pitié”.

La mise en scène du supplice

Plus que célébrer une “litanie du Progrès”, Michel Foucault, en retraçant les divers degrés de châtiments et des peines, des supplices et des prisons, visait à démontrer comment une “fonction sociale complexe” était inhérente aux punitions, qui outrepassait le simple rôle répressif. problème non seulement juridique, donc, conséquence de l’application du Droit, mais aussi fait pleinement politique. L’économie du châtiment, selon l’auteur de Surveiller et punir, appartient à ce vaste champ dans lequel interviennent les procédures de pouvoir. Les supplices de l’Ancien régime, plus que rétablir la justice, réparer un dommage, avaient pour fonction de réactiver le pouvoir en offrant au peuple le spectacle de la souffrance. Le supplice de Damiens, “le Régicide” est un des exemples historiques dont nous est parvenu une trace. Ainsi décrit-il cette affaire, Monsieur Alexandre André le Breton, greffier criminel du Parlement, soit aussi, Chancellier pénal de la Cour suprême de Justice, dans le “Précis historique” annexe aux quatre volumes des “pièces originales et procédures du procès fait à Robert-François Damiens” : en cette année 1757, Paris était traversé par une des habituelles vengeances du pouvoir royal à l’endroit des sommets du pouvoir des toques à hermine. Le Mercredi 5 janvier, à la nuit tombée, quelqu’un a, “en haut des escaliers, près de la voûte”, blessé le roi à la cinquième côte, avec un couteau; le dommage est minime, comparable à une tête d’épingle, mais cela devient une offense énorme faite au sacro-saint corps du souverain. L’auteur de l’attentat est Robert-François Damiens, chômeur, auparavant domestique en diverses maisons, muni de références discrètes et quelque anomalie comportementale. Les précédents signalent un frénétique taciturne, curieux “frondeur” élucubrateur, qui soliloque ; conscient “de l’effervescence de son propre sang”, il cherchait dans un soulèvement qu’on répandit le sang en abondance. En évoquant l’accusé, Le Breton conjugue les verbes à l’imparfait parce que “le scélérat” n’appartient déjà plus à ce monde. Il a rendu l’âme à Dieu , le Lundi 28 mars, en “Place de Grève” (l’actuelle Place de l’Hôtel de Ville), après très long supplice techniquement défectueux, ainsi qu’il en arrive de même à ces patients condamnés à la “peine d’être tirés par quatre chevaux”.
La traction des quatre chevaux n’ayant pas suffi à l’écarteler, ils y seraient arrivés si, après conseil à propos pris auprès du médecin, l’équipe d’exécuteurs des basses œuvres n’avaient empoigné les couteaux et tranché quelques tendons. “Puisqu’il arrive d’ordinaire que les tendons et les ligaments résistent et ne cèdent pas tout à fait, malgré les efforts des quatre chevaux, et même si on en rajoute, il convient à la fin de sectionner les ligaments à la jointure des os” ; alors seulement “les chevaux parviennent à arracher chacun un membre”. Le supplice dure à peine “deux heures, lui vivant”. La lame employée dans l’agression n’était pas propre à procurer des blessures mortelles. Franco Cordero, dont nous avons extrait les citations qui suivent de son manuel de Procédure pénale : “Parmi les fainéants qui fréquentaient les couloirs et les salles judiciaires du Palais”, Damiens était devenu un admirateur des seigneurs en toge, champions de la dite “liberté gallicane”, piégée par la politique ministérielle ; “on ne lui connaît pas de complices, ni de mandataires, mais les Messieurs (en ce contexte, en de telles occasions, cela comprend les Princes de sang et les hauts dignitaires), indirectement mis en cause, châtient les suspects en prononçant une sentence mémorable”.

L’escamotage de la peine et le spectacle du procès
À partir du XVIII° siècle, la religion de la confession a cédé la place à la confiance en la preuve, la réclusion se substitue à la torture, aux mutilations, aux supplices exemplaires. La justice désacralisée, la procédure pénale désenchantée, les délits imaginaires disparus, redresser et corriger, avant même encore de punir, deviennent les paroles d’ordre de l’Illuminisme pénal et du réformisme judiciaire. Les théories du Contrat social ne conçoivent plus le crime comme un attentat au corps mystique du souverain, mais comme une rupture du pacte social. L’entité de la punition doit apparaître alors graduée à l’infraction commise et surtout être sûre, parce qu’elle pourrait exercer un effet dissuasif.
Cette transformation conduit à l’escamotage de la punition, à la proscription du spectacle punitif. Le cérémonial de la peine entre dans l’ombre, pour devenir une obscure pratique administrative, substituée par la publicité en dents de scie du procès et de la sentence, moments en priorité secrets. Le volte-face est radical. Procès et condamnation, plus même que la peine, deviennent le stigmate négatif qui doit marquer le délinquant. L’exécution de la sanction paraît ainsi une ignominie supplémentaire dont la Justice a honte de la montrer. On s’en tient à distance. La peine échappe au champ des perceptions quotidiennes pour entrer en une dimension abstraite, méconnue, imaginée, non visible. L’efficacité est dévolue à son inéluctable fatalité, et non plus à son intensité perceptible. La certitude d’être puni et non plus l’abominable théâtre, la scène dégoûtante, en viennent à en représenter l’avertissement. Le corps n’est plus exposé, mais interminablement reclus. “L’impressionabilité n’est plus liée à l’éphémère intensité du supplice, à son exemplarité illusoire, mais fondée sur la durée”. Ce qui consent à la Justice de n’avoir plus à s’occuper d’assumer publiquement la part de violence qui est intrinsèque à son exercice. La punition n’apparaît plus comme telle parce que les nouvelles techniques visent à remettre le déviant dans le rang. Mais derrière le propos de “guérir “, se profile en réalité l’aspect plus concret de l’expiation, à savoir le châtiment.

L’apologétique carcérale
C’est ainsi que naît un genre nouveau: l’apologétique carcérale, un projet édifiant voué à la réinsertion d’une partie déviante de la société. Avec Beccaria et Bentham se déploie un processus de rationalisation des doctrines ainsi que de l’architecture punitive, non plus fondé sur la dégradation des corps, mais sur la corrections des mentalités. “Non pas le terrible mais passager spectacle de la mort d’un scélérat, mais le long et ostensible exemple d’un homme privé de liberté, qui devenu bête de servage, récompense la société qu’il a offensée par ses corvées, ce qui est le frein le plus fort contre les tentations délictueuses” : c’est la citation d’un passage tiré de Des délits et des peines, que Brossat propose, en notant au passage comment la philosophie pénale illuministe invente avec la prison une nouvelle fabrique de l’inhumain, qui en vient à se substituer aux abattoirs du tourment, en définissant le passage du régime du supplice sur les corps à celui de leur abandon, de la cruauté à l’insensibilité. Mais déjà, Benjamin Constant, en vieux père du libéralisme moderne, mettait en garde contre l’illusion humanitaire : “les punitions que l’on a voulu substituer à la peine de mort ne sont que cette même peine infligée avec minutie, presque toujours de façon plus lente et douloureuse.” Le bourreau disparaît mais les geôliers augmentent. Finalement, les détenus n’éprouvent plus la faim et les privations dans les prisons de l’Occident moderne et opulent; ils dépriment au contraire, pourrissent, se vident, se misérabilisent, se suicident justement. Ils font de la vie même une maladie. L’institution pénitentiaire ne tue presque plus de sa propre main, elle les laisse se tuer eux-mêmes, pendant la propagation du libéralisme économique, après la décennie 80, le nombre des incarcérés a commencé à augmenter démesurément, et les peines à gonfler sans frein. Le nombre des criminels a crû parce que s’est élargie la palette des comportements sanctionnés. La prison s’est reproposée en institution criminogène, en fabrique de la déviance qui soustend l’idée paranoïaque d’une société en liberté conditionnelle.

Le paradigme victimaire
À ce propos, Brossat signale une configuration ultérieure de la sensibilité, investie du surcroît du paradigme victimaire. Un procès de neutralisation substantielle et de dépolitisation de la figure de la victime qui, devenue une icône de la martyrologie étatique, annule “les perdants et vaincus de l’Histoire”. Derrière lequel émerge une opinion humanitaire nouvelle qui, retournant les présupposés de la critique illuministe (circulation libre des idées en un espace public autonome de la sphère étatique et religieuse), se conçoit comme un rempart avancé de la loi et de l’ordre en invoquant une nouvelle forme d’intolérance. Ce qui revient, sans plus de remords ni hypocrisie, à affirmer l’objectif uniquement afflictif de la peine. Ainsi que le reconnaissait voici plus d’un siècle le sociologue Émile Durkheim: “la peine est restée une œuvre de vengeance. On dit que l’on ne fait pas souffrir le coupable pour la seule raison de le faire souffrir. Il n’en est pas moins vrai toutefois que nous trouvons juste qu’il souffre”, et pour ça, il n’oubliait pas de recommander que “la condition pénitentiaire doit être plus draconienne que celle de l’homme libre le plus indigent”.

La rétribution symbolique
La prison ne change pas. Elle reste le lieu dans lequel l’État régule avec froideur ses comptes avec les classes dangereuses, ce en quoi il montre sans émotions ni faiblesses qui commande, en rappelant aux vaincus combien il en coûte de continuer à prétendre ignorer les règles du jeu. Cette essence politique qui est la sienne suggère donc de changer notre vision de l’ “opinion humanitaire”, sur la base d’une approche compassionnelle qui déverse sa critique uniquement sur la souffrance du détenu, mais en observant la prison comme manifestation de la violence d’État, lieu de l’exception souveraine. Cela développe une fonction politique décisive puisqu’elle réunit la communauté contre celui qui a enfreint les règles. La réclusion renforce donc le lien social, prépare la sécurisation future. Toute peine infligée orchestre une rétribution, une restauration, en réinvestissant d’une fonction lénifiante pour la conscience collective frappée par les crimes. Il n’est aucun réformisme pénitentiaire qui ait réellement insinué une telle philosophie. Aujourd’hui face à l’abyssale faillite de l’humanisme pénal, Brossat invite à rejeter définitivement la duperie fondatrice de la prison. La prison ne sert à rien et l’espérance que le Droit y fasse une entrée pleine et sereine – conclut-il – ne nous conduira pas pour autant à l’ère de “l’après prison”, mais seulement à celle d’un Droit emprisonné. Pour ce propos, ce n’est pas l’État de droit qui s’étend dans les prisons, mais le modèle carcéral qui gagne du terrain dans la société, ainsi que le démontrent les centres de permanence temporaire et les nouvelles structures de détention atténuée.

Emprisonner le Droit ou abolir la prison ?
Penser que “pour éliminer le scandale des prisons il soit suffisant de rendre adéquats leur régime interne aux normes générales de l’État de Droit”, penser qu’il soit suffisant de garantir le niveau minimum d’intégrité fondamental et l’immunité de la personne détenue, pour faire de la prison un espace définitivement “humanisé” et juridiquement correct, outre que cela renvoie à une conception purement passive des droits, compris uniquement comme tutelle pure de la personne, à l’égal d’un tuteur d’organisme végétal, muet et dépourvu de pensée propre (comme la flore sollicitée par les ambientalistes), montre l’incompréhension absolue des effets de l’internement. L’entrée en prison provoque une dégradation juridico-politique de l’interné, réduit à un simple corps ? “La détention est la preuve la plus radicale qui soit de non-appartenance à la communauté civile”. Le détenu est privé de “droits en tant que sujet”, et peut réagir avec une morgue impudente, et ainsi qu’avec autant de tampons de l’administration en bas de chaque page de son dossier, un vice-directeur d’un institut de peines répondre à un détenu qui lui demande sur quels fondements juridiques s’appuie le traitement pénitentiaire qui lui est réservé. Une condition qui renvoie à celle de l’ostracisé, du bandit, de l’exilé intérieur. Il est impensable imaginer l’exercice des libertés politiques à l’intérieur d’un système disciplinaire qui considère la sanction consubstantielle, non seulement à la privation de la liberté physique, à la réduction brutale des possibilités de mouvement, au “disciplinage” des corps, au contrôle des sentiments, des émotions, des affects, à la privation de quelques fonctions essentielles de la vie humaine, mais aussi au droit de réunion et de discussion.
Lieu concentrationnaire par excellence, la prison ne prévoit pas l’existence d’un “espace public” interne aux murs d’enceinte. Les sections sont strictement séparées les unes des autres, les cellules demeurent fermées tout le jour durant, exception faite de quelques instituts de peine. Il n’y a aucune liberté de circulation, les seuls lieux de rencontre demeurent les promenades durant les heures de sorties à l’air libre, les salles de sport (dans les centres qui en sont pourvus), les éventuels activités liées à la réinsertion, les lieux de culte. La communication emprunte alors des courants souterrains, suit des trajectoires tortueuses, s’enfonce dans de longs parcours discrets et réservés cherchant à éviter les yeux omniprésents de l’administration, en se servant de l’ancien savoir-faire des esclaves. En substance, l’hypothèse d’une “vie active”, pour emprunter une expression d’Hannah Arendt, ou en d’autres termes, l’exercice de la citadinité, à l’intérieur de laquelle l’individu détenu se trouve être envisagé aussi comme être pensant, capable de produire de l’activité relationnelle de type sociale, politique et culturelle, n’étant à aucun moment pris en considération, et même entravé autant qu’il est possible. Si la communication entre détenus n’est pas formellement interdite, sauf explicites précautions/garanties de l’autorité judiciaire, l’entière machinerie pénitentiaire est construite pour l’empêcher, l’intercepter, la supprimer.

Quelle peut alors être l’issue d’évasion de l’idéologie pénitentiaire ? Désincarcérer la société voudrions-nous entendre répondre. Mais combien sont prêts à scier les barreaux qui emprisonnent leur propre conscience ?

Traduit de l’italien par Sedira Boudjemaa

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